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Alzheimer : est-il recommandé de modifier son alimentation ?

Cet article traite de l’effet préventif d’une bonne alimentation dans la maladie d’Alzheimer et le rôle des gènes (ex apolipoprotéine E) dans cette maladie.

Divisé en plusieurs paragraphes énumérés ci-dessous, il est plutôt destiné à des personnes ayant des acquis dans le domaine de la maladie d’Alzheimer. C’est pourquoi nous avons placé des notes explicatives afin d’en faciliter la lecture.

Sommaire

Résumé

De grands pas ont été faits sur la génétique [1] et l’histochimie [2] de la maladie d’Alzheimer, et les mécanismes conduisant à l’apparition de la maladie commencent à être compris. Un âge avancé, des antécédents familiaux de démence, et une présence de l’allèle ε4 de l’apolipoprotéine E (Apo E) [3] sont les trois facteurs de risque [4] principaux. L’étude de ces trois facteurs et l’identification de nombreux gènes de susceptibilité [5] de la maladie d’Alzheimer ont permis de mieux comprendre la base génétique et la pénétrance [6] (liée à l’âge) de la maladie. Cependant : 

   – la moitié des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ne possèdent pas l’allèle ε4 de l’Apo E et 
   – le nombre de mutations touchant les genes codant pour les proteines APP (protéine précurseur de l’amyloïde) et présénilines PS1/2 et responsables de la forme familiale autosomale dominante [7] de la maladie est faible.

Puisque les mutations de l’APP et des PS1 et PS2 ne sont à l’origine que de moins de 2% de tous les cas, la majorité des facteurs de risque incluent d’autres gènes et des facteurs environnementaux. Les travaux récents suggèrent que le stress oxydant [8] affectant le métabolisme des lipides et les facteurs de risque vasculaires [9] sont impliqués dans la maladie, et qu’une modification du régime alimentaire aiderait à réduire son apparition.

Commentaires

1 Génétique : science qui étudie les gènes, les caractères héréditaires et les modifications de ces caractères (mutations). Les gènes sont composés de molécules d’ADN présentes dans les 23 paires de chromosomes. Les chromosomes sont présents dans le noyau des cellules, en particulier des cellules du cerveau.

Un gène : 
   – a pour fonction de synthétiser des protéines responsables de la structure et du fonctionnement des cellules et des organes. 
   – est le support de l’hérédité. 

Un gène a deux copies appelées allèles provenant de la mère et du père.

2 Histochimie : étude de la composition chimique des cellules et des réactions chimiques s’y déroulant.

L’apolipoprotéine E (en abrégé ApoE) est une protéine qui transporte les lipides (par exemple le cholestérol) dans le sang. Ces lipides sont indispensables à la cellule du cerveau. L’ApoE est fabriquée par un gène situé sur le chromosome 19. On parle aussi de gène codant pour l’ApoE ou du gène de l’ApoE.

Les allèles de l’ApoE existent sous 3 formes : les allèles epsilon2 (ε2), ε3 et ε4 fabriquant respectivement 3 formes différentes d’ApoE : ApoE2, ApoE3 (la forme la plus courante présente chez les trois quarts de la population) et ApoE4. Cette dernière est la forme ‘déficiente’ de l’ApoE, présente chez 10 à 20% de la population. Les personnes possédant la forme apoE4 ont plus de risque d’être atteintes de la maladie d’Alzheimer. Puisqu’un gène a deux allèles, il y a 6 combinaisons possibles: ε2/ε2, ε3/ε3, ε4/ε4, ε2/ ε3, ε2/ ε4, ε3/ ε4.

Facteur de risque : facteur favorisant l’apparition d’une maladie. Une personne qui présente un facteur de risque est une personne à risque (par exemple les personnes porteuses de la forme ApoE4).

5 Gène de susceptibilité : gène que possède une personne et qui la rend d’avantage apte à contracter certaines maladies.

Pénétrance : degré de régularité avec lequel un gène exerce son effet dans un population ou une race donnée.

Forme familiale autosomale dominante : La forme la plus courante (plus de 95% des cas) de la maladie d’Alzheimer est la forme sporadique, atteignant les individus de manière isolée et irrégulière à un âge tardif (plus de 65 ans). La forme la moins courante est la forme familiale. Dans ce cas, il suffit qu’un des 2 allèles d’un gène soit modifié (ou muté) pour déclencher précocement la maladie : on parle alors de mutation dominante. Les gènes mutés (trois ont été identifiés à ce jour) se transmettent de génération en génération et ne sont situés ni sur le chromosome X, ni sur le chromosome Y: on parle alors de mutation autosomale dominante. Puisque la mutation est dominante, et puisque chaque parent transmet un allèle, un enfant a 50% de développer la maladie l’âge mûr (de 30 à 40 ans suivant le gène muté).

La mutation du gène de l’ApoE (qui entraîne la formation de ApoE4) concerne à la fois les formes familiale et sporadique de la maladie d’Alzheimer.

8 Le stress oxydant est provoqué par une accumulation de molécules toxiques appelée radicaux libres. Ces radicaux libres vont endommager les neurones et leurs membranes constituées de lipides.

Les facteurs de risque vasculaires incluent l’hypertension, le diabète, l’obésité et l’hypercholestérolémie (augmentation de la quantité de cholestérol dans le sang).

L’apolipoprotéine E

Le polymorphisme de l’ApoE [1], dont le gène joue un rôle très important dans la maladie d’Alzheimer, exerce un rôle modulateur sur les taux de lipoprotéines de faible densité (LDL). Par exemple, l’allèle ε4 est associé à des niveaux sanguins élevés de cholestérol (parce qu’il représente la forme se liant le mieux au cholestérol, augmentant ainsi son absorption). L’ApoE ε4 est l’allèle ancestral le plus présent dans la maladie d’Alzheimer (2-8). Les homozygotes ε4/ε4 et hétérozygotes ε3/ε4 de race blanche ont respectivement 14,9 et 3,2 fois plus de risque de développer la maladie d’Alzheimer que les homozygotes ε3/ε3 (3) [2]. De plus, les individus (aussi bien les personnes ‘saines’ que celles atteintes de la maladie d’Alzheimer) porteurs de l’allèle ε4 ont des dépôts d’amyloïde [3] plus importants dans le parenchyme du cerveau [4] et sur les parois des vaisseaux (14), une dégénérescence neurofibrillaire [5]accrue et vont, peut-être, développer plus précocément la maladie (4-8). Les mécanismes qui soutendent les effets de l’ApoE sur la maladie d’Alzheimer sont mal connus; des scénarios impliquant la phosphorylation de la protéine tau, la synthèse, la liaison et l’agrégat de la protéine amyloïde, ainsi que le métabolisme des lipides ont été proposés (9-11). Les données provenant de souris transgéniques [6] suggèrent que l’allèle ε4 favorise le dépôt d’amyloïde dans le cerveau (12). Cependant, une proportion importante de porteurs de l’allèle ε4 (y compris les centenaires) ne deviennent pas déments et plus d’un tiers des individus atteints de la maladie d’Alzheimer ne portent pas l’allèle ε4 (3), soulignant l’importance d’autres facteurs de risque.

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1 Polymorphisme de l’ApoE: La protéine ApoE existe sous trois formes chez l’Homme : l’ApoE2, l’ApoE3 et l’ApoE4. On parle alors de polymorphisme de l’ApoE.

2 Un homozygote possède deux allèles identiques ε2/ε2, ε3/ε3 ou ε4/ε4 du gène de l’ApoE tandis que les hétérozygotes ont deux allèles différents: ε2/ε3, ε3/ε4 ou ε2/ε4. 

Le tableau résume ci-dessous les risques (selon l’étude (3)) de développer la maladie d’Alzheimer selon les différents allèles de l’ApoE et l’origine ethnique. La probabilité de l’individu homozygote ε3/ε3 de développer la maladie est fixée à 1 (qui est donc une référence). A titre d’exemple, un hétérozygote ε3/ε4 japonais a 5,6 fois plus de risque de développer la maladie d’Alzheimer.

  Afro-américains Hispaniques Japonais Blancs a
ε3/ε3 1 1 1 1
ε2/ε2 2,4 2,6 1,1 0,6
ε2/ε3 0,6 0,6 0,9 0,6
ε2/ε4 1,8 3,2 2,4 2,6
ε3/ε4 1,1 2,2 5,6 3,2
ε4/ε4 5,7 2,2 33,1 14,9
a on parle de ‘caucasiens’ dans le jargon scientifique.

L’allèle ε4 est un facteur de risque important chez toutes les ethnies (l’effet est néanmoins fortement moins marqué dans la population hispanique).

3 Amyloïde : protéine qui se dépose anormalement autour des neurones dans le cerveau des patients Alzheimer (ces dépôts d’amyloïde tuent les neurones).

Parenchyme du cerveau : Ensemble de cellules constituant le tissu fonctionnel du cerveau (par opposition à ‘l’ossature’ entourant le cerveau).

La dégénérescence neurofibrillaire est un agrégat anormal de filaments qui s’entortillent dans les neurones des patients Alzheimer. Ces neurones ‘s’étouffent’ et finissent par mourir.

Souris transgéniques : souris dont les cellules ont été génétiquement modifiées et servant de modèle animale. Dans le cas présent, les souris expriment la protéine déficiente ApoE4.

Etudes réalisées sur la maladie d’Alzheimer à travers le monde

L’ApoE 4 augmente le risque de développer la maladie d’Alzheimer chez des populations génétiquement diverses : blanche (issue de la plupart des pays d’Europe), chinoise et japonaise. Cependant, le risque associé à l’allèle ε4 semble être plus faible chez les africains et afro-américains que chez les blancs, alors que la proportion de l’allèle ε4 est plus importante chez les premiers (environ 26%) que chez ces derniers (environ 15%) (13-18). Les raisons pour lesquelles l’origine ethnique a une influence sur le facteur de risque génétique demeurent inconnues. Il semble que les individus porteurs de l’allèle ε4 sont moins nombreux en Chine et au Japon, justifiant que la maladie d’Alzheimer y soit moins présente (19). L’influence qu’exerce l’allèle ε4 sur le risque de développer la maladie d’Alzheimer est semblable chez les japonais et la population blanche (3). Les études épidémiologiques issues de ces différentes cultures a permis de mettre en valeur la complexité des interactions entre les différentes formes de l’Apo E et la maladie d’Alzheimer (25). Des populations présentant une incidence [1] anormalement élevée de la maladie ont également été identifiées. Mayeux et ses collègues ont rapporté que parmi les populations exemptes de l’allèle ε4, les afro-américains et les hispaniques ont 2 à 4 fois plus de risque de développer la maladie d’Alzheimer que les Blancs (26). De récentes études indiquent que le risque global de développer une maladie d’Alzheimer est plus élevé chez les proposants [2] afro-américains que chez les parents du proposant de race blanche, mais il semble que ce risque accru ne soit pas associé à l’allèle ε4 (18).

Les études épidémiologiques génétiques ont rapporté – du moins à ce jour – que la prévalence [3] de la maladie était respectivement la plus basse à Ballabgarh (Inde) (22) et la plus élevée à Wadi Ara (Israël) (20, 21). La maladie n’est pas associée à la forme de l’Apo E dans l’une des deux populations (21) mais il semble qu’en revanche des facteurs de risque vasculaires semblent jouer un rôle prédominent. De plus, il semble que les afro-américains ont une prévalence plus élevée de démence vasculaire, habituellement attribuée à un nombre élevé de facteurs de risque cardiovasculaires. 

La différence de l’incidence et de la prévalence de la maladie d’Alzheimer chez les différentes populations peut s’expliquer en partie par l’alimentation. En effet, les régions où la maladie est la moins répandue sont celles où la consommation de gras est la plus faible (comparée aux pays développés qui enregistrent une consommation plus élevée).

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Incidence : nombre de nouveaux cas apparus pendant une période donnée au sein d’une même population.

2 Proposant : malade qui consulte le premier pour une affection génétique et qui déclenche une enquête génétique dans sa famille afin de déterminer le mode de transmission de cette affection.

3 Prévalence : nombre de cas nouveaux et anciens d’une maladie au sein d’une population donnée.

Le rôle des autres gènes dans la maladie d’Alzheimer

On estime que l’Apo E est responsable de 40% à 60% de la susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer [1] (3), le pourcentage restant étant à ce jour d’origine inconnue. Une association entre la maladie d’Alzheimer et bien d’autres gènes a été rapportée. Ces gènes ont la propriété de modifier le métabolisme des lipides, les récepteurs des lipides à très faible densité (VLDL-R) (23) et les récepteurs des lipoprotéines (LRP1) (24) [2]. Cependant, cette association reste controversée (24). Un autre gène lié à la maladie est celui codant pour l’enzyme de conversion à l’angiotensine (ACE) (l’ACE est une dipeptidyl carboxypeptidase qui catalyse la formation de l’angiotensine II en coupant le dipeptide de l’angiotensine I) [3]. Un polymorphisme par insertion-délétion dans le gène de l’ACE [4] a récemment été associé à la fois aux maladies cérébrovasculaires et cardiaques (25, 28). Des relations entre la maladie d’Alzheimer et le génotype D/D ou l’allèle D de l’ACE [5] ont été identifiées dans une série de cas en Turquie, en Italie, en Russie et en Amérique du Nord, de même que dans une communauté d’Inde. Cependant, l’inverse a été rapporté en Grande-Bretagne, en Espagne et au Japon. Une petite étude portant sur 49 cas d’Alzheimer et 40 sujets ‘contrôles’ (NDLR sujets sains sans aucune pathologie) réalisée en Israël n’a pas relevé de tel lien entre l’ACE et Alzheimer. Le fait qu’une association avec l’ACE ait été observée dans de nombreuses populations géographiquement et ethniquement distinctes renforce l’hypothèse que l’ACE est un important facteur de susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer. Les associations entre les gènes et la maladie d’Alzheimer supportent l’idée que les facteurs vasculaires sont importants dans la pathogénèse de la maladie (29,30).

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1 Susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer: prédisposition d’un individu à cette maladie ayant pour origine la présence d’un gène modifié (par exemple le gène modifié synthétisant une forme déficiente de l’ApoE – appelé ApoE4 – et qui augmente le risque de développer la maladie d’Alzheimer).

2 Lipoprotéines et récepteurs des lipides à très faible densité :

Les lipides sont hydrophobes c’est-à-dire qu’ils sont insolubles dans l’eau. Pour être transportés dans le sang (milieu aqueux), ils doivent s’associer avec des protéines (les apolipoprotéines) pour former un complexe appelé lipoprotéine.

Les lipides les plus hydrophobes (triglycérides, cholestérol estérifié) sont situés au centre de ce complexe tandis que les plus hydrophiles (cholestérol libre, phospholipides) sont situés à la périphérie des lipoprotéines.

Les apolipoprotéines se trouvent à la surface des lipoprotéines, la partie hydrophobe étant située vers l’intérieur.

Il existe différentes sortes de lipoprotéines classées en fonction de leur densité : les chylomicrons riches en triglycérides, les lipoprotéines de très basse densité (VLDL, Very Low Density Lipoprotein) qui transportent les triglycérides, les lipoprotéines de faible densité (LDL), les lipoprotéines de densité intermédiaire (IDL,intermediary density lipoproteins) et les lipoprotéines de haute densité (HDL, high density lipoproteins), qui transportent le cholestérol.

Les cellules qui ont besoin de cholestérol pour leur métabolisme possèdent sur leur membrane un récepteur capable de reconnaître les LDL, puis de les faire entrer dans la cellule (internalisation) où elles sont digérées par les lysosomes libérant le cholestérol que la cellule va utiliser.

Les lipoprotéines (en particulier les LDL) se lient à des récepteurs localisés sur la membrane des cellules, permettant aux LDL de rentrer dans la cellule pour libérer (grâce à des petits organes appelés lysosomes) le cholestérol dont a besoin la cellule. La diminution du nombre des récepteurs des LDL se traduit par une augmentation des taux de LDL dans le plasma et, par conséquent, une hypercholestérolémie.

3 L’enzyme de conversion à l’angiotensine (en anglais ACE pour angiotensin converting enzyme) transforme l’angiotensine I en angiotensine II, entraînant une rétention de sel, une contraction des vaisseaux et ainsi une élévation de la pression artérielle. De plus, l’ACE dégrade la bradykinine, un agent vasodilatateur. Des taux élevés d’ACE contribueraient à l’apparition des maladies cardio-vasculaires. Les médicaments qui inhibent cette enzyme réduisent le risque d’infarctus.

4 Polymorphisme par insertion-délétion: le géne synthétisant l’ACE peut subir des mutations par la perte (délétion) ou l’ajout (insertion) d’un morceau de chromosome. C’est pourquoi l’ACE peut se présenter sous diverses formes (polymorphisme).

5 L’allèle D de l’ACE est une des formes du gène de l’ACE. La présence de cet allèle chez un individu semble augmenter le risque de maladies cardio-vasculaires, en particulier d’infarctus du myocarde.

Les facteurs de risque environnementaux de la maladie d’Alzheimer

Un récent travail sur l’épidémiologie de la maladie d’Alzheimer renforce l’idée que les facteurs de risque vasculaires augmentent la susceptibilité de la maladie d’Alzheimer et modifient son expression. Les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer incluent l’activité intellectuelle et physique à l’âge adulte, l’hypertension, une attaque cérébrale et une maladie cardiaque (31,35,36) [1]. Les données concernant la consommation de cigarettes sont contradictoires. Enfin, la consommation modérée d’alcool peut réduire le risque de développer une maladie d’Alzheimer d’environ de moitié.

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1 L’une des 3 études a montré que 28% des suédois de plus de 85 ans atteints d’une démence avaient été auparavant victimes d’un infarctus cérébral (alors que seulement 13% des personnes démentes n’en avait pas été victimes).

Les auteurs de la deuxième étude ont observé que les patients Alzheimer avaient exercé, entre 20 et 60 ans, des activités moins diverses (c’est-à-dire le nombre d’activités effectuées) et moins intenses (le temps consacré à ces activités), comparés au groupe de sujets sains. Ils concluent que l’inactivité est soit un facteur de risque de la maladie, soit le reflet des effets insidieux de la maladie, soit les deux.

Maladies cardiaques, facteurs de risque vasculaires et maladie d’Alzheimer

L’existence d’interactions entre les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer et ceux des maladies cardiaques et cérébrovasculaires suscitent maintenant un grand intérêt. Les facteurs de risque d’attaques cérébrales augmentent l’incidence de la démence (32,38,39). L’athérosclérose et l’hypertension sont des facteurs de risque de la démence vasculaire, mais aussi de la maladie d’Alzheimer (33), suggérant qu’une maladie vasculaire favoriserait la pathogénèse de la maladie d’Alzheimer ou accélérerait sa manifestation clinique. Les anomalies de la substance blanche cérébrale [1] prédisent de manière significative des attaques cérébrales futures et une mortalité. Il est vraisemblable que ces facteurs de risque et les maladies cérébrovasculaires influent sur l’apparition d’une démence selon les ethnies (par exemple afro-américaine, hispanique et japonaise). Les études épidémiologiques indiquent également qu’une pression sanguine élevée à un âge mûr s’accompagnera, à un âge tardif, de troubles cognitifs. Ce travail suggère qu’une modification de l’alimentation tendant à améliorer le contrôle de la pression sanguine et limiter les maladies cardiaques et cérébrovasculaires peut également abaisser le risque de développer une maladie d’Alzheimer.

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La substance blanche est formée des axones des neurones qui sont entourés de gaine de myéline de couleur blanche. Elle s’oppose à la substance grise qui est composée des corps cellulaires des neurones. Voir notre article sur les neurones et leur morphologie

Les dommages du stress oxydant dans la maladie d’Alzheimer

Il est largement admis que l’oxydation impliquant toute une série de molécules biologiques est impliquée dans la maladie d’Alzheimer [1]. Des marqueurs reflétant le dommage du stress oxydant sur les neurones et les changements de structures des mitochondries ont été identifiés (37, 48). Le dommage du stress oxydant dans la maladie peut-être relié aux gènes (telle que l’Apo E) ainsi qu’au contenu en lipides provenant de l’alimentation (et à la péroxydation des lipides qui y est associé) [2]. Les lipides oxydés présents dans le sang peuvent endommager le tissu endothélial et altérer l’homéostasie de l’amyloïde [3].

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1 Notre organisme – et en particulier les neurones – produit naturellement des molécules appelées radicaux libres. Les radicaux libres sont des particules très réactives et instables car elles possèdent un électron célibataire. Ces radicaux libres sont, dans un organisme en bonne santé, neutralisés par des enzymes et par des molécules anti-oxydantes telles que les vitamines C, E ou Q (aussi appelée co-enzyme Q). Avec le vieillissement, les enzymes (qualifiées aussi d’anti-oxydantes) sont moins efficaces et un déséquilibre se crée, conduisant à une accumulation de radicaux libres : c’est le stress oxydant. Le stress oxydant peut être atténué par un apport alimentaire riche en molécules anti-oxydantes.

2 Les radicaux libres sont très efficaces car ils s’attaquent aux neurones à différents niveaux : l’ADN (notre support héréditaire), les protéines et les lipidescomposant les membranes des neurones : on parle de péroxydation lipidique. Les lipides membranaires attaqués par les radicaux libres s’oxydent et deviennent à leur tour toxiques pour le neurone qui devient vulnérable, dysfonctionnel et peut même mourir si l’accumulation de radicaux libres est trop importante.

L’amyloïde est obtenue à partir d’une autre protéine que l’on appelle protéine précurseur d’amyloïde (en anglais amyloid precursor protein ou APP). Située dans la membrane de la cellule (dont le neurone), l’APP est coupée par des enzymes pour former différents fragments d’amyloïde. Ces fragments d’amyloïde sont : 

   – solubles et donc inoffensifs dans un organisme sain mais deviennent 
   – insolubles et toxiques (puisqu’ils s’accumulent) dans la maladie d’Alzheimer.

Dans ce dernier cas, l’équilibre formes soluble/insoluble est rompu (pour rappel l’homéostasie est la capacité de l’organisme de maintenir un état d’équilibre en fonction de l’environnement).

Nous expliquerons les raisons de ce déséquilibre dans un prochain article.

Alimentation et maladie d’Alzheimer

L’alimentation a reçu peu d’attention dans les études portant sur la maladie d’Alzheimer. Un groupe de chercheurs de Rotterdam a rapporté que la consommation de gras peut augmenter le risque de maladie alors que celle de poisson peut avoir une effet protecteur (on a récemment montré que la consommation de poisson protège les femmes des attaques cérébrales) (40). Mayeux et ses collègues ont également rapporté dans une étude que la consommation de gras augmente l’incidence de la maladie d’Alzheimer. Chandra a proposé qu’une alimentation faible en gras peut être à l’origine de la faible incidence de la maladie d’Alzheimer enregistrée à Ballabgarh en Inde (22). Les taux de cholestérol, qui sont sous l’influence du génotype de l’Apo E, peuvent aussi être liés à la maladie d’Alzheimer; ainsi les niveaux de cholestérol sont plus bas à Ibadian (Nigéria), une ville où la prévalence de la maladie d’Alzheimer est faible, tandis qu’ils sont plus élevés à Indianapolis (U.S.A.), ville qui enregistre une prévalence plus élevée (14). Notkola et alli ont montré que des taux sanguins élevés de cholestérol total et la présence de l’allèle e4 peuvent avoir un effet synergique néfaste sur la maladie d’Alzheimer (43). Il a été rapporté que les médicaments visant à baisser les taux de lipides auraient un effet bénéfique sur la maladie d’Alzheimer [risque relatif après ajustement de 0,29 (41)]. Clarke et ses collègues ont enregistré des niveaux élevés d’homocystéine totale (un acide aminé produit par l’organisme) dans le sang de sujets ayant un diagnostic probable ou confirmé de maladie d’Alzheimer, comparés aux sujets sains (42). C’est une découverte intéressante, car les taux sanguins élevés d’homocystéine totale – qui peuvent être atténués par la prise d’acide folique et de vitamines B6 et B12 – augmentent le risque de maladies cardiaques et d’attaques cérébrales. Cependant, nos récents résultats obtenus à Cleveland et en Israël ont infirmé la présence de taux élevés d’homocystéine totale chez les malades Alzheimer (comparés au groupe contrôle). En revanche, nos études de Cleveland montrent que la consommation à un âge mûr, d’antioxydants présents dans les fruits et les légumes retardaient le développement de la maladie d’Alzheimer.

Bien que les mécanismes biologiques mis en jeu dans les interactions entre l’alimentation et la maladie d’Alzheimer soient encore mal définis, quelques-uns peuvent être proposés. Un rôle des récepteurs des lipoprotéines à faible densité (LDL) a été avancé (44). Les études réalisées sur des souris transgéniques exprimant en grande quantité la protéine précurseur de l’amyloïde sont aussi d’un intérêt au regard de la relation entre l’alimentation et la maladie d’Alzheimer. Trois autres études ont montré qu’une alimentation riche en gras accélère le dépôt d’amyloïde dans le cerveau de souris transgéniques alors qu’à l’inverse une restriction calorique ralentit ce dépôt d’amyloïde. Une consommation riche en cholestérol produit une pathologie de type Alzheimer et augmente l’expression d’amyloïde chez les lapins (45). Des extraits d’épinards et de bleuets sont capables de retarder le vieillissement du cerveau chez le rat, probablement grâce à leurs propriétés anti-oxydantes (46). Enfin, selon des études préliminaires, la vitamine E (qui est un antioxydant) peut retarder la progression de la maladie d’Alzheimer (49) (lire notre article sur les effets bénéfiques de la vitamine E sur la maladie d’Alzheimer).

NDLR : un rôle néfaste des lipides dans le vieillissement cérébral ‘normal’ et maladie d’Alzheimer est soutenu par une récente étude montrant que l’accumulation de lipides (par ex le cholestérol) provoquée par l’amyloïde, entraîne une réaction en chaîne aboutissant à la mort des neurones (Source : Proc Natl Acad Sci U S A. 101:2070-2075, 2004).

Conclusions et perspectives d’évolution

Il est important de considérer les facteurs de risque et de protection d’une maladie en tenant compte de l’environnement dans lequel nos propres caractéristiques humaines ont été sélectionnées durant les 1 à 5 millions d’années de l’évolution de l’Homme. Nous avons vécu la plupart du temps comme des chasseurs, originairement en Afrique de l’Est (47). Nos ancêtres mangeaient seulement de la viande lorsqu’ils avaient chassé avec succès, et leur alimentation contenait plus d’anti-oxydants, fibres, vitamines et minéraux et moins de gras que maintenant; la viande qu’ils mangeaient contenaient moins de 25% de gras que celle consommée aujourd’hui et qui provient d’animaux d’élevage. Dans beaucoup de régions du tiers monde aujourd’hui, la consommation de gras est faible, et l’hypertension, les attaques cérébrales, les maladies cardiaques, l’obésité et la maladie d’Alzheimer sont peu fréquentes.Il se peut que la maladie d’Alzheimer soit une maladie de culture occidentale comme d’autres maladies du vieillissement.

Une évidence actuelle supporte l’idée que la maladie d’Alzheimer se développe sur plusieurs décennies. Dans cette maladie complexe et chronique, le temps est suffisamment long pour que les facteurs environnementaux et génétiques interagissent pour créer une maladie passant par un ‘réseau de causes’, tel que l’ont proposé Holzman and Marteau (1). Les modifications que je propose pour réduire le risque de développer une maladie d’Alzheimer sont basées sur ses considérations se rapportant à l’évolution, ainsi que sur des études fondamentales et cliniques discutées plus haut. Cependant, il n’y a aucune étude prospective effectuée en aveugle montrant que ces modifications diminueront le risque de développer une maladie d’Alzheimer. Les changements proposés peuvent être précieux d’autres manières (c’est-à-dire sans un effet direct sur la maladie d’Alzheimer), en diminuant par exemple le risque de maladies cardiaques et d’attaques cérébrales.

Les modifications alimentaires proposées

Je recommande une alimentation faible en gras et en viande, et riche en anti-oxydants (provenant de fruits et de légumes) et en poisson. Une faible consommation de viande est recommandée parce que d’une part il est souhaitable de ne pas consommer de gras et que d’autre part la viande supplée souvent les fruits et légumes dans une alimentation. Un complément alimentaire en acide folique (400 ug) et de vitamines B12 (500 ug), B6 (25 mg) and E (grâce à ses propriétés anti-oxydantes) peuvent aider à optimiser le métabolisme de l’homocystéine totale. Une consommation quotidienne de plusieurs vitamines est également recommandée. Les personnes hypertendues sensibles à la consommation de sel doivent réduire leur consommation de sel, et l’obésité doit être évitée.

Cet article constitue un chapitre d’un livre collectif intitulé The Diversity of Alzheimer’s Disease: Different Approaches and Contexts. Rio de Janeiro: Cadernos IPUB. Annette Leibing et Lilian Scheinkman (eds.).

Son auteur est Robert P. Friedland, médecin; Lab. of Neurogeriatrics, Department of Neurology, Cleveland, OH, U.S.A.

Remerciements et références

Travaux soutenus en partie par les organismes suivant: National Institute of Aging, Alzheimer’s Disease Research Center Program, Institute for the Study of Aging, Alzheimer’s Association, the Mandel Foundation, the Nickman family, and Philip Morris, USA. L’auteur remercie L. Farrer, A. Korczyn, D. Jacobsen, G. Perry, G. Petot, M. Smith and L. Sparks pour leurs précieuses discussions.