Les bactéries intestinales pourraient favoriser la dépression
Stéphane Bastianetto
Une nouvelle recherche suggère un lien significatif entre la santé de l’intestin, sa population bactérienne et la dépression. Pour la première fois, des scientifiques ont exploré ce lien chez l’homme.
Les chercheurs démontrent maintenant que les bactéries qui peuplent notre intestin affectent de nombreux aspects de notre santé.
Cela inclut la santé mentale ainsi que la santé physique, voire les maladies neurodégénératives.
Des chercheurs du Centre de microbiologie VIB-KU Leuven en Belgique ont analysé les données relatives à la santé d’un groupe important de personnes afin de déterminer le type de bactéries intestinales pouvant jouer un rôle dans la dépression.
La nouvelle étude – dont les résultats paraissent dans la revue Nature Microbiology – identifie non seulement ces probables bactéries responsables, mais montre également que de nombreuses bactéries peuvent produire des substances qui interagissent avec le système nerveux. Celles-ci sont appelées neuroactives.
Les chercheurs ont analysé des données de microbiome fécal en lien avec des diagnostics de dépression chez 1 054 personnes participant au projet flamand Gut Flora .
À travers cette analyse, l’équipe a révélé que deux types de bactéries – celles des genres Coprococcus et Dialister – étaient absentes des boyaux des personnes ayant reçu un diagnostic de dépression. Cela s’appliquait même à celles qui prenaient des antidépresseurs.
Les scientifiques ont confirmé les résultats dans deux autres cohortes: 1 063 personnes inscrites au projet LifeLinesDEEP , qui recueille des données sur le microbiote intestinal, et un groupe de personnes traitées pour une dépression clinique aux hôpitaux universitaires de Louvain.
« La relation entre le métabolisme microbien intestinal et la santé mentale », explique le professeur Jeroen Raes, co-auteur de l’étude, « est un sujet controversé dans la recherche sur le microbiome. L’idée que les métabolites microbiens peuvent interagir avec notre cerveau – et donc avec notre comportement et nos sentiments – est intrigante, mais la communication intestinale entre microbiome et cerveau a été principalement explorée dans des modèles animaux, la recherche humaine étant à la traîne. »
« Dans notre étude au niveau de la population, nous avons identifié plusieurs groupes de bactéries qui co-variaient avec la dépression humaine et la qualité de vie des populations. »
Dans le cadre de recherches antérieures , le professeur Raes et son équipe avaient déjà révélé qu’un groupe de bactéries spécifiques (appelées entérotype) présentant une diversité microbienne faible apparaissait plus souvent chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn , une maladie caractérisée par une inflammation de l’intestin.
Dans cette étude, l’équipe a constaté qu’un entérotype similaire caractérise les personnes diagnostiquées avec une dépression et dont la qualité de vie est moins bonne.
Les bactéries s’adressent au système nerveux
L’équipe a également mis au point une technique lui permettant de déterminer les bactéries susceptibles d’influencer le système nerveux.
Ils ont examiné plus de 500 bactéries intestinales humaines afin de déterminer si elles pouvaient produire des composés neuroactifs, tels que des neurotransmetteurs.
« Notre technique nous permet non seulement d’identifier les différentes bactéries qui pourraient jouer un rôle dans les problèmes de santé mentale, mais également les mécanismes potentiellement impliqués dans cette interaction avec le cerveau ».
À l’avenir, le professeur Raes et ses collègues souhaitent confirmer ces résultats avec d’autres expériences. Ils se préparent déjà à analyser les prochains échantillons collectés via le projet flamand Gut Flora.
Source: The neuroactive potential of the human gut microbiota in quality of life and depression, Valles-Colomer et al., Nature Microbiology 2019