Neuromedia

Démence fronto-temporale

La démence fronto-temporale est une forme de démence caractérisée par des troubles du comportement et du langage associés à un déclin cognitif.

Les cliniciens distinguent trois formes de démence fronto-temporale en fonction des signes et symptômes qui affectent l’individu:

  1. Le variant comportemental de la démence frontotemporale (en anglais Behavioral-variant frontotemporal dementia).
  2. La démence sémantique
  3. L’aphasie non-fluente progressive

La maladie de Pick est également considérée comme une des formes de dégénérescences frontotemporales, se manifestant par des changements de comportement : isolement, désinhibition, négligence de l’hygiène, distraction ou répétition continuelle des mêmes gestes.

Au début, la démence fronto-temporale se manifeste essentiellement par des troubles du comportement et du langage qui apparaissent ensemble ou successivement dans le temps. Ils varient d’un malade à l’autre.

Comme elle survient souvient à un jeune âge, il peut être difficile de la différencier des la schizophrénie ou d’un trouble affectif.

Le plus souvent, ce sont les troubles du comportement qui prédominent.

La majorité des cas (environ 70%) sont sporadiques (c’est-à-dire des cas isolés sans forme héréditaire). Il existe donc environ 30% de cas familiaux de DFT qui peut être causés par au moins quatre gènes connus (les gènes tau, progranuline, et plus rarement les gènes VCP et CHMP2B).

Le plus souvent, l’anomalie génétique semble se transmettre de manière autosomique (de génération en génération), ce qui signifie que le malade a un risque sur deux de transmettre la maladie à ses enfants.

Prévalence de la démence fronto-temporale

La prévalence (nombre de malades atteints à un moment donné) de la démence frontotemporale varie entre 3 et 15 cas pour 100 000 personnes. Elle augmente avec l’âge. Les hommes semblent plus touchés que les femmes.

C’est la 3ème cause de démence dégénérative. Elle représente 15 à 20% des causes de démences.

L’âge de début se situe à la fin de la cinquantaine (âges extrêmes: 20 à 75 ans).

L’espérance de vie, à partir du moment du diagnostic, est en moyenne d’une dizaine d’années.

Signes et symptômes de démence fronto-temporale

1. Variant comportemental de la démence fronto-temporale

Cette forme affecte environ 60% des patients atteints d’une des trois formes de démences frontotemporales.

Les critères diagnostiques de cette forme sont :

A. Détérioration progressive du comportement et/ou de la cognition.

B. Trois des six symptômes comportementaux/cognitifs doivent être présents. Ils doivent plutôt être persistants ou récurrents.

• Désinhibition précoce : comportement social inapproprié, perte des convenances ou de politesse et/ou actes impulsifs, irréfléchis, voire imprudents. La désinhibition se traduit par un langage grossier, des familiarités, ou des attitudes inappropriées (par exemple, ils se déshabillent, se tiennent mal à table, urinent en public…).

• Apathie/Inertie précoce.

• Perte de sympathie ou d’empathie précoce: réponse diminuée aux besoins et sentiments des autres personnes et/ou désintérêt social, altération des relations interpersonnelles, émoussement affectif.

• Comportement stéréotypé ou compulsif/obsessionnel précoce: mouvements répétitifs simples, comportements complexes compulsifs et/ou stéréotypies verbales : le malade répète les mêmes gestes, a des habitudes à heure fixe, font une fixation sur certains objets ou pratiquent à l’excès certains loisirs tels que le casino.

• Hyperoralité et changement des habitudes alimentaires: modifications des goûts alimentaires et/ou gloutonnerie, consommation aggravée d’alcool ou de cigarettes.

• Profil neuropsychologique : déficit des fonctions exécutives et perte relative de la mémoire épisodique et des fonctions visuo-spatiales.

2. La démence sémantique

Elle concerne environ 20% des cas et se caractérise surtout par des troubles du langage.

• Troubles de type anomie (difficulté de trouver ses mots) malgré une fluence verbale préservée. Par exemple, la personne emploie le mot « oiseau » plutôt que « moineau » ou bien « truc, machin » plutôt que le mot approprié. La compréhension est préservée.

• Dans les cas plus sévères, le patient a des problèmes à identifier les objets ou des animaux. Il peut par exemple poser la question suivante: « Qu’est-ce-qu’un oiseau ? ». La personne peut cependant continuer à manipuler des chiffres.

D’un point de vue anatomique, elle se caractérise quant à elle par une atrophie du lobe temporal gauche.

3. L’aphasie non-fluente progressive

Elle concerne environ 20% des cas et se caractérise également par des troubles du langage. La personne parle généralement lentement, a de la difficulté a comprendre le sens des mots, manque de fluence verbale, a beaucoup de difficulté à parler au téléphone, a s’exprimer à l’intérieur d’un groupe ou à comprendre des phrases complexes. Beaucoup d’entre eux développent des symptômes moteurs de type parkinsonien (par exemple, rigidité musculaire dans les bras et les jambes).

Au début de la maladie, les troubles de mémoire sont minimes. Les tests neuropsychologiques indiquent que l’information est bien stockée par le cerveau du patient mais qu’elle a du mal à être restituée (par exemple, le patient ne retient pas tel ou tel mot sauf si on lui donne un indice).

L’atrophie fronto-temporale prédomine dans l’hémisphère gauche, avec un trouble du langage sur l’expression, la compréhension étant relativement conservée.

Autres troubles

• Troubles du jugement et de planification : les malades ne peuvent planifier une activité.

• Troubles de la déglutition (stade sévère de la maladie).

Evaluation de la démence fronto-temporale

L’ échelle de dysfonctionnement frontal  évalue la sévérité des troubles comportementaux de patients souffrant de démence à un stade léger.

Ce que dit l’imagerie cérébrale

Contrairement à la maladie d’ALzheimer, qui affecte la quasi-totalité du cevreau, la démence fronto-temporale affecte préférentiellement le lobe temporal et le lobe frontal.

Les techniques de neuroimagerie ont permis d’observer des lésions des lobes frontaux (siège du raisonnement, des idées abstraites, de la planification, de la motricité) et temporaux (siège de la formation et de la récupération des souvenirs), et parfois les lobes pariétaux.

En phase tardive de la maladie, on observe une perte neuronale importante du cortex.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou le scanner sont utilisés pour corroborer un diagnostic de démence fronto-temporale.

La tomoscintigraphie par émission monophotonique (SPECT) est une technique d’imagerie évaluant l’activité des lobes frontaux et temporaux (dans la DFT, cette activité est diminuée).

Ces techniques ne permettent pas de distinguer les différentes formes de démence fronto-temporale. la mise en évidence des corps de Pick ne peut se faire que sur des tissus post-mortem (c’est-à-dire après autopsie).

Cerveau humain vu d’en haut provenant d’un sujet sain (à gauche) et d’un patient atteint d’une démence fronto-temporale (à droite). On remarque une atrophie du lobe frontal qui se caractérise par des plis plus marqués.
Cerveau humain vu de profil provenant d’un sujet sain (à gauche) et d’un patient atteint d’une DFT (à droite). On remarque une atrophie des lobes frontal et temporal.
Coupe latérale d’un cerveau humain provenant d’un sujet contrôle (à gauche) et d’un patient atteint d’une DFT (à droite). On remarque nettement l’atrophie du lobe frontal.

Diagnostic différentiel

La démence fronto-temporale peut être confondue avec de nombreuses autres maladies neuropsychiatriques, surtout au début de la maladie; par exemple la dépression, les troubles bipolaires ou obsessionnels compulsifs), avec une tumeur du lobe frontal, un traumatisme crânien, certaines maladies infectieuses, une démence associé à une pathologie du mouvement ou une démence vasculaire ou un alcoolisme chronique.

La maladie d’Alzheimer se distingue de la démence fronto-temporale par des troubles précoces de la mémoire et de l’orientation marqués dès le début de la maladie.  

Thérapies

Les médicaments sont prescrits à faibles doses au début du traitement, avant que celles-ci soient augmentées graduellement en fonction des possibles effets secondaires.

Antidépresseurs

Les antidépresseurs sont utilisés pour traiter les troubles suivants:

• Anxiété et attaque panique

• Trouble obsessionnel/compulsif

• Agressivité

Les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine sont les types d’antidépresseurs de choix :

fluoxetine (Prozac®), sertraline (Zoloft®), paroxetine (Paxil®), fluvoxamine (Luvox®), citalopram (Celexa®), escitalopram (Lexapro®).

Antipsychotiques

Les antipsychotiques sont prescrits à faibles doses pour réduire l’agressivité, le trouble obsessionnel/compulsif, les comportements irrationnels avec cependant des effets secondaires indésirables : prise de poids, pensées ralenties, risque accru de maladie cardiaque. Les antipsychotiques atypiques sont les types d’antipsychotiques de choix : olanzepine (Zyprexa®), quetiapine (Seroquel® or Ketipinor®),

risperidone (Risperdal®), ziprasidone (Geodon®), aripiprazole (Abilify®), paliperidone (Invega®). La mémantine, médicament déjà dans les formes modérée à sévère de la maladie d’Alzheimer, améliorerait la fonction mnésique des patients atteints de démence fronto-temporale.

Exercices

Un programme d’entraînement combinant aérobie (marche) et musculation est bénéfique pour le patient (par exemple la pratique d’exercices cardiovasculaires de 30 minutes de 2 à 4 fois par semaine, sous la forme de marche par exemple).

Cas pratique

Madame X âgée de 79 ans est suivie par un neurologue car elle présente des déficits cognitifs légers (score au mini examen de l’état mental de 26 sur 30). Elle est par la suite hospitalisée pour des troubles du comportement avec des périodes d’agitation et des troubles délirants.

Son entourage indique que ces modifications du comportement sont apparues il y a 4 ans, avec parfois des fugues, des achats compulsifs et un manque de convenances sociales.

Le traitement a consisté à lui prescrire un antipsychotique (rispéridone), un régulateur de l’humeur (Valproate) et un antidépresseur.

On note également une réduction de la fluence verbale tandis que les mémoires épisodique et visuo-spatiale apparaissent normales.

La neuroimagerie révèle une diminution de l’activité du cortex frontal et du lobe temporal.

Un diagnostic de démence (dégénérescence) fronto-temporale est posé. Ses performances cognitives se détériorent avec notamment une perte du langage.

Pour rappel, les symptômes de la démence frontotemporale se caractérisent :

Le traitement se limite aux antidépresseurs et aux régulateurs de l’humeur.

La démence frontotemporale liée à un comportement alimentaire anormal

Les patients atteints de démence frontotemporale ont des habitudes alimentaires inappropriées.

Alors que les patients atteints de la variante comportementale mangent excessivement (en particulier des aliments riches en sucre) les patients atteints de démence sémantique (autre forme de démence fronto-temporale) présentent un comportement alimentaire très rigide, en se focalisant parfois sur un aliment précis.

L’imagerie cérébrale a également suggéré que ces habitudes alimentaires sont contrôlées par des réseaux complexes neuronaux plutôt que par une structure particulière du cerveau.

La démence frontotemporale (DFT) est la deuxième cause de démence apparaissant chez les moins de 65 ans. Il existe plusieurs types de DFT : la variante comportementale qui se manifeste notamment par un comportement inapproprié et une incapacité de planifier, alors que la démence sémantique se caractérise par une perte du sens des mots.

«  Il est possible que la modification des habitudes alimentaires peuvent avoir un rôle protecteur dans la démence frontotemporale. Il ets nécessaire de savoir si nous pouvons modifier ces comportements alimentaires et si cela apportera une différence », déclare l’auteur principal de l’étude.

49 patients avec trois différents types de démence (19 avec la variante comportemente, 15 souffrant de démence sémantique, et 15 souffrant de la maladie d’Alzheimer) ont participé à l’étude. Leurs habitudes alimentaires ont été comparées à celles de 25 témoins en bonne santé.

Tous les participants ont jeûné pendant la nuit et ont ensuite reçu un petit déjeuner sous la forme d’un buffet. Les chercheurs ont calculé la quantité totale et le type d’aliments consommés.

Les résultats ont montré que tous les patients atteints de la variante comportementale ont consommé plus de calories que les autres participants, avec une moyenne de 1344 calories, comparée à 710 calories pour le groupe Alzheimer, 573 calories pour le groupe démence sémantique et 603 calories pour le contrôle groupe.

« Les patients avec la variante comportementale et qui mangeaient le moins ont même consommé plus de calories que ceux des autres groupes qui ont mangé le plus. »

En revanche, les patients atteints de démence sémantique ont montré un comportement alimentaire rigide, refusant souvent de manger la nourriture proposée.

L’auteur principal (Dr Ahmed) a noté que l’envie de sucre semble être une caractéristique particulière de la variante comportementale de la DFT.

Il est possible que ces patients présentent des changements dans leur métabolisme qui pourraient être à l’origine de la suralimentation.

Les chercheurs ont également étudié les cerveaux des participants (avec la variante comportementale) à l’aide de l’IRM pour rechercher des dysfonctionnements de certaines zones spécifiques du cerveau. Ils ont constaté que la suralimentation est associée à des réseaux complexes du cerveau impliqués dans la récompense, la fonction autonome, et la vision, et non à une structure précise du cerveau.

Source: Rebekah M. Ahmed et coll. Évaluation du comportement alimentaire Perturbation et associés des réseaux de neurones dans la démence frontotemporale. JAMA Neurol. 2016; 73 (3): 282-290.

Les patients avec une démence frontotemporale ont moins d’émotion

Une étude australienne a montré pour la première fois pourquoi des patients souffrant de démence fronto-temporale ont moins d’émotion face à un souvenir.
Cela explique pourquoi ils n’éprouvent aucune émotion lorsqu’ils se souviennent d’un événement marquant (ex. un mariage ou un enterrement).
Le Professeur Piguet, auteur de l’étude, déclare,  « jusqu’à présent, nous savions que des souvenirs émotifs étaient reliés à l’amygdale, une région de cerveau impliquée dans les émotions.
Cette étude est la première qui démontrer l’implication d’une autre structure, le cortex orbitofrontal, dans ce processus. »
Un autre chercheur du groupe, Fiona Kumfor, soutient que ces résultats aideront les soignants mieux à comprendre pourquoi leurs proches malades peuvent difficilement interagir avec eux.

« Imaginez que vous assistiez au mariage de votre fille, ou que rencontriez votre petit-enfant pour la première fois, mais que cet événement soit aussi mémorable que de faire son épicerie. » dit Dr Kumfor.
Source: The orbitofrontal cortex is involved in emotional enhancement of memory: evidence from the dementias. Brain, 2013.