Neuromedia

Névrose chez les personnes âgées

La névrose (troubles névrotiques) est une affection psychique dont les éléments majeurs sont l’anxiété et l’angoisse. L’anxiété repose sur une inquiétude permanente sans véritable raison, alors que l’angoisse s’accompagne de symptômes physiques (par exemple, palpitations, spasmes, vertiges, etc.). Le sujet, qui a conscience de son trouble (à l’opposé de la psychose), présente des troubles de l’affectivité et de l’émotivité. Une personne peut notamment se montrer agressive envers quelqu’un parce qu’elle manque d’assurance.

Epidémiologie

Plus de 10% des personnes âgées de 65 ans et plus souffrent d’une névrose. Certaines données suggèrent qu’il y a moins de troubles névrotiques chez la personne âgée que chez l’adulte. La prévalence globale est de 2,5% et atteint 12% si l’on inclut les états dépressifs névrotiques (la névrose s’accompagne d’une dépression, d’où le terme d’états dépressifs névrotiques ou de dépression névrotique). Il existe un risque plus élevé de mort par suicide chez les patients névrotiques.

Névroses vieillies versus névrose tardives

Une partie des névroses des personnes âgées se manifeste de manière ininterrompue depuis la jeunesse jusqu’à à un âge avancé, avec ou sans variations des symptômes.

Une autre partie se manifeste quelques fois dans la vie, et ces périodes sont entrecoupées d’un temps sans aucun trouble.

Une dernière partie des névroses se manifeste pour la première fois après 60 ans : on parle de névrose tardive ou d’involution.

Selon le modèle freudien, il y a la névrose actuelle provoquée par un traumatisme récent, et qui s’oppose aux autres névroses provoquées par un conflit non conscient survenu durant l’enfance suite à un traumatisme.

Les manifestations cliniques différentes suivant qu’elles débutent à l’âge adulte ou après 60 ans : les troubles les plus fréquemment rencontrés dans les névroses tardives sont la névrose d’angoisse, la névrose phobique, la névrose de caractère, les états névrotiques liés à une situation traumatisante et le syndrome de glissement. Les névroses obsessionnelles et phobiques tardives apparaissent plus rarement pour la première fois chez la personne âgée.

Classification de la névrose chez la personne âgée

La classification internationale des maladies (CIM-10) ne fait pas la différence entre les névroses vieillies et celles qui apparaissent tardivement après la soixantaine. Voici les principales catégories de névroses.

1. La névrose d’angoisse

Elle est fréquente chez la personne âgée. Elle se caractérise par l’association d’une anxiété généralisée et de crises de panique. Cet état se traduit par l’expression de plaintes (plainte d’insomnie, douleurs) sans que l’individu explique réellement pourquoi il est anxieux.

L’anxiété généralisée se présente sous la forme d’une insomnie et de symptômes somatiques (vertiges, tensions musculaires, douleurs thoraciques, crampes d’estomac, constipation, envie de vomir etc.). Les thèmes de l’anxiété se rapportent à la dépendance, la solitude et la mort.

La dépendance. La personne, voyant son autonomie diminuer, craint d’avoir recours à une aide qui risque d’empiéter dans sa vie quotidienne, ou de devoir déménager dans une maison médicalisée, conduisant à une crainte de ne pas s’adapter à son nouveau domicile.

La solitude. C’est une manifestation sur laquelle la personne s’exprime rarement.

La mort. La personne craint des douleurs qui accompagneraient la période d’agonie.

2. La névrose phobique

Les phobies peuvent s’aggraver en fréquence lors de la vieillesse. Par exemple, l’agoraphobie entraîne de la part du sujet agoraphobe des déplacements limités dans la rue. Prétextant une maladie (ex. rhumatisme, arthrite, maladie cardiovasculaire), il finit par faire appel à des services extérieurs (ex. médecin, livraison des courses à domicile, aide à domicile), entraînant un confinement du malade à domicile et l’apparition d’une comorbidité. La personne s’isole.

Il n’est pas rare qu’une agoraphobie s’installe à un âge avance, par exemple, suite à une chute (c’est la névrose phobique d’involution). La personne (qui ne présente pas nécessairement un trouble de la marche) développera sans explication  »une phobie de la marche ».

3. La névrose de caractère

Lorsque ce type de névrose se développe lors de la vieillesse, la personne devient autoritaire, capricieuse, désordonnée 1 et irresponsable vis-à-vis des aidants familiaux et professionnels.

1 Syndrome de Diogène : proposé en 1975, ce syndrome désigne des personnes, dont la plupart souffrent d’une névrose de caractère, qui négligent et se négligent chez eux. Leur domicile devient insalubre, divers objets s’accumulent au fil des années, nécessitant l’intervention des services sanitaires.

4. Névrose liée à un stress post-trautmatique

Elle est provoquée par un événement traumatisant :

• Apparition d’une maladie grave (exemple cancer) ou bénigne mais qui affecte la personne.

• Perte de confiance à la suite d’une chute (voir ci-dessous le syndrome de la tortue 2).

• Perte de travail après la mise à la retraite.

• Perte du conjoint ou d’un enfant 3.

• Perte du domicile

• Sentiment d’insécurité : la personne a été escroquée ou agressée, les enfants exercent un chantage etc.

2 Syndrome de la tortue : décrit par un gériatre de Dijon (France), ce syndrome fait suite à une chute au cours de laquelle la personne se retrouve sur le dos au sol et ne réussit pas à se relever malgré ses efforts. Elle finit par être relevée, mais gardera un comportement passif, entraînant une régression psychomotrice. Le délai d’apparition de ce syndrome est de quelques heures à quelques jours après la survenue de la chute. La personne développe une instabilité posturale.

3 Syndrome de la veuve inconsolable : syndrome caractérisé par le fait que la veuve ne peut faire son deuil. Elle s’expose à un risque de dépression d’autant plus élevé que la personne à des antécédents de dépression. Elle souffre parfois d’hallucinations visuelles au cours desquelles apparaît son mari. D’autres syndromes peuvent apparaître chez des personnes âgées souffrant de névroses. Syndrome de glissement : décrit en 1956 par Carrie, ce syndrome se traduit par un refus de s’alimenter, de se mouvoir et de communiquer. Il peut entraîner une cachexie (affaiblissement profond de l’organisme) et un état grabataire si aucun traitement n’est appliqué.

5. Névroses d’échec

La personne âgée évite toutes satisfactions possibles, entraînant souvent un isolement social, même si un événement agréable survient. Elle exprime une indifférence, voire un mécontentement. Syndrome de l’isolement social: syndrome défini en 1966 et caractérisé par un isolement social de la personne âgée, souvent placée en institution. Environ 15% des personnes ayant un syndrome de l’isolement social (en anglais social breakdown syndrome) ont une démence et souffrent en général de névrose.

6. Névrose d’abandon

Abandonné lors de son enfance, le patient continue à présenter une insécurité affective durable au fur et à mesure qu’il vieillit. Il peut demander avec insistance de l’attention et de l’affection de la part des soignants.

7. La névrose obsessionnelle

L’obsession se caractérise par une idée ou une attirance considérées comme morbides par le patient et qui s’imposent à lui, malgré les efforts qu’il déploie pour s’en défaire. Pour s’en éloigner, le patient va développer des rites. Ces manifestations perdent en intensité au fur et à mesure que la personne vieillit. Lorsque ces troubles apparaissent à l’âge avancé, le médecin recherchera l’existence d’un dysfonctionnement cérébral affectant les noyaux gris centraux et/ou les lobes frontaux. 10. La névrose hystérique C’est un trouble qui affecte la relation du malade avec son entourage qui subira les caprices du malade et l’expression disproportionnée de ses émotions. Si le malade n’a plus de proche, il n’aura plus personne à qui manifester ses symptômes habituels et pourra développer des troubles anxieux et dépressifs.

Diagnostic

Le diagnostic de névrose sera posé sur la base des antécédents médicaux du patient. Il n’existe pas d’échelles adaptées aux troubles névrotiques. Les examens complémentaires ont pour but d’écarter une pathologie somatique (somatisation : conversion de troubles psychiques en symptômes fonctionnels corporels).

Diagnostic différentiel

On peut confondre un trouble névrotique avec l’une des causes suivantes :

1. Anxiété facilitée par un médicament ou une substance : caféine, théophylline, antidépresseurs de type inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine, corticoïdes, hypoglycémiants, agoniste dopaminergique (antiparkinsonien), antipsychotiques provoquant une akathisie (impossibilité de rester au repos), arrêt brutal de benzodiazépines.

2. La consommation d’alcool, considérée comme à tort comme un calmant, augmente au contraire l’état d’anxiété, au même titre que l’abus de café. Dans les deux cas, un arrêt brutal peut également augmenter l’anxiété.

3. Une maladie ou une opération chirurgicale provoquant un état d’angoisse : troubles de sommeil (apnées du sommeil, insomnie liée à des réveils anxieux), arythmie cardiaque, insuffisance respiratoire, carence en vitamines B, trouble endocrinien (hypo- et hyperthyroïdie), hématome sous-dural chronique, hydrocéphalie à pression normale.

4. Une démence.

5. Une dépression.

6. Un état anxieux vécu par une personne âgée saine lors d’une situation anxiogène (ex. visite chez le médecin, discussion se rapportant à sa situation financière, etc. ), d’un événement de vie difficile (ex. déménagement dans une maison de retraite), ou d’une conduite d’évitement non phobique (ex. éviter de fréquenter un club de bingo ou de bridge lorsque l’on souffre de trouble de mémoire, éviter de prendre le bus lorsque l’on souffre de trouble de l’orientation).