L’étanercept est un médicament initialement approuvé dans le traitement de l’arthrite rhumatoïde. Il est actuellement testé dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.
Mode d’action
L’étanercept bloque l’action de la cytokine pro-inflammatoire appelée facteur de nécrose tumorale (en abrégé TNF-alpha pour tumor necrosis factor-alpha), en bloquant son action sur le récepteur TNF-alpha.
Le TNF-alpha fait partie des dizaines de cytokines jouant un rôle central dans les maladies inflammatoires, et vraisemblablement dans la maladie d’Alzheimer.
Outre ses propriétés inflammatoires, le TNF-alpha stimule la production de protéine amyloïde (protéine jouant un rôle délétère dans la maladie d’Alzheimer) dans le cerveau, et provoque un dysfonctionnement des synapses (contacts entre les neurones ; voir notre article sur les synapses dans la rubrique SANTE/cerveau).
Efficacité clinique
Une étude clinique pilote a été publiée en 2006 au cours de laquelle 15 patients ont été traités pendant 6 mois avec cette molécule administrée par voie thécale (une injection thécale consiste à injecter un produit à l’intérieur d’une enveloppe de protection telle que l’arachnoïde). L’étanercept améliore très rapidement la fonction cognitive des patients. Selon les auteurs, cet effet bénéfique obtenu très rapidement s’expliquerait par la capacité de l’étanercept d’empêcher l’action délétère du TNF-alpha sur les synapses. Cette hypothèse tient du fait que le dysfonctionnement des synapses est une des principales caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, et serait responsable des troubles cognitifs. Une étude clinique de plus grande envergure est nécessaire pour confirmer ces résultats.
Cas clinique d’un patient traité avec l’étanercept
Ce patient, médecin de formation et âgé de 81 ans, a reçu avec son autorisation un traitement à l’étanercept. Son état s’était détérioré depuis deux ans, date à laquelle sa femme s’est aperçue de ses problèmes mnésiques et de ses difficultés à effectuer des calculs mentaux. Après avoir été évalué par un neurologue il y a un an et demi, ce dernier lui prescrit du donépézil (Aricept). Cette prescription fut remplacée quatre mois plus tard par une combinaison mémantine-rivastigmine, car ce patient ne tolérait pas le donépézil. La combinaison mémantine-rivastigmine ne fut toujours pas tolérée, et remplacée par la galantamine (8mg par jour, la dose de 16 mg/jour n’étant pas tolérée). Ce patient prend également de faibles doses d’aspirine et une statine (atorvastatine). Malheureusement, aucun effet bénéfique sur la performance cognitive n’a été observé après traitement.
Antécédents médicaux du patient : rien d’anormal.
Examen physique : rien d’anormal.
Examen des nerfs crâniens : rien d’anormal avec cependant un léger déficit auditif.
Examen moteur (réflexes tendineux, tonus musculaire…): rien d’anormal.
Examen sensoriel : rien d’anormal.
Examens de laboratoire : rien d’anormal (thyroïde, foie, prostate normaux; taux d’acide folique, vitamine B12 et cholestérol normaux; taux légèrement élevés d’urée et de créatinine).
Examen neurologique : l’examen IRM a montré une atrophie corticale et sous-corticale diffuse, confirmant les résultats de la tomographie par émission de positon (TEP) effectuée 4 mois plus tôt (c’est-à-dire baisse marquée de l’activité du cortex cingulaire postérieur et temporal gauche caractéristique de la maladie d’Alzheimer).
Examen mental :
Mini-examen de l’état mental (MMSE). Il révéla que le patient se comportait de manière digne, sans hostilité ni suspicion à l’égard de l’examinateur. Il semblait parfois euphorique. Il avait de la difficulté à se souvenir d’événement autobiographique (par ex. l’anniversaire et la profession de son père). Il ne se souvint d’aucuns noms de médecins l’ayant traité et ne put deviner la date du jour et le lieu. Sa fluence était normale (pas de dysarthrie c’est-à-dire de trouble de l’articulation de la parole). Cependant, il souffrait de façon marquée d’aphasie anomique (forme d’aphasie se caractérisant par une grande difficulté à trouver certains mots) : ainsi, il ne put se remémorer que d’un nom parmi les dix que l’examinateur lui proposa dans le cadre du test de mémoire appelé Boston Naming Test. Ses résultats aux tests de fluence verbale ont été médiocres (il nomma seulement en une minute cinq mots commençant par la lettre F et deux noms appartenant à la catégorie des animaux).
Tests du cube et de l’horloge. Le patient fut capable de dessiner un cube tridimensionnel, mais ne put dessiner une horloge et d’indiquer avec ses mains l’heure (11h10) que l’examinateur lui demanda d’indiquer.
Trail making Task. Ce test évalue les fonctions exécutives et les capacités visuelles et motrices. Il comprend deux parties appelées A et B. Lors de la première partie, le sujet doit relier le plus rapidement possible et par ordre croissant des chiffres répartis au hasard sur un morceau de papier. Lors de la deuxième partie, le sujet doit relier alternativement des lettres et des chiffres le plus rapidement possible (c’est-à-dire 1-A-2-B-3-C, etc.). Le patient ne put effectuer correctement ce test.
Traitement: après avoir signé un formulaire de consentement leur signalant les risques potentiels liés à l’administration du médicament (infection, cytopénie, lymphome, inflammation de l’œil, problèmes cardiaques), le patient reçut une dose d’étanercept (25 mg dans 1 ml d’eau stérile) à hauteur des 6e et 7e vertèbres cervicales, afin de faire pénétrer le médicament dans le système veineux cérébrospinal.
Résultats : Deux heures après administration de l’étanercept, les médecins observèrent une amélioration des fonctions exécutives et des capacités visuelles et spatiales, évaluées selon les tests de l’horloge et du Trail Making Test B. Il obtint la note médiocre de 0 sur 5 au test des cinq mots, mais se souvint sans problème du nom de l’examinateur. Il put se remémorer une série de cinq chiffres présentés dans l’ordre (test de séquence de chiffres), et une série de trois chiffres présentés dans l’ordre inverse (voir notre rubrique exercices d’entraînement). Au test de calcul mental, il put soustraire 7 de 100 (mais ne put continuer la série de soustraction), mais fut incapable de diviser 58 par 2 et d’ajouter 29 à 11. Lors du test d’abstraction, il trouva le lien entre le train et la voiture (c’est un moyen de transport) mais pas entre la musique et la peinture. Enfin, ses résultats au test de fluence verbale furent meilleurs car il put nommer 8 mots commençant par la lettre F en une minute et 5 noms d’animaux en une minute.
Publications
Griffin WS.Perispinal etanercept: potential as an Alzheimer therapeutic.J Neuroinflammation. 2008 Jan 10;5:3.
Strangfeld A et coll. Comparative effectiveness of TNFalpha inhibitors in combination with either methotrexate or leflunomide.Ann Rheum Dis. 2009 Jan 6.
Tobinick EL, Gross H. Rapid improvement in verbal fluency and aphasia following perispinal etanercept in Alzheimer’s disease.BMC Neurol. 2008 Jul 21;8:27.
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