Apathie

Maladies

L’apathie, qui se caractérise par une perte de motivation et d’intérêt, se retrouve fréquemment dans la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson.

Le mot tire son origine  du grec (a privatif et pathos « ce qu’on éprouve »).

L’apathie se manifeste par plusieurs signes : perte de motivation, d’initiatives, activités sociales en chute, désintérêt, émoussement affectif, manque d’énergie… qui doivent être systématiquement repérés s’ils durent plus de 2 semaines.

Comment différencier l’apathie de la dépression?

Il n’est pas facile de différencier l’apathie de la dépression, car certains symptômes co-existent.

En voici un résumé : 
– Symptômes caractéristiques de l’apathie : baisse de motivation et de persévérance, réduction des réponses émotionnelles, indifférence, retrait social. 
– Symptômes caractéristiques de la dépression : tristesse, anxiété, idée suicidaire, agitation, dévalorisation, pessimisme, sentiment de culpabilité, pensées négatives, idées noires, perte d’appétit. 
– Symptômes communs des deux troubles : désintérêt pour l’environnement, ralentissement psychomoteur, fatigue, manque d’énergie, hypersomnie, manque de perspicacité, manque d’initiative, perte d’espoir. 
L’apathie est plus fréquente que la dépression dans la maladie d’Alzheimer, la démence frontotemporale, contrairement à la maladie de Parkinson.

Apathie et maladie d’Alzheimer

L’apathie est l’un des symptômes comportementaux les plus fréquents de la maladie d’Alzheimer, touchant jusqu’à 75% des patients (la prévalence moyenne serait de 55%). Ce pourcentage dépend cependant du mode d’évaluation et du type de population ciblée. 

Elle est présente à tous les stades de la maladie d’Alzheimer, mais sa fréquence augmente en fonction de la gravité de la maladie, affectant 40% des patients au stade léger, 80% au stade modéré, et plus de 90% au stade sévère de la maladie.

Elle se manifeste par une perte d’intérêt pour l’environnement, une baisse de motivation, d’engouement, de spontanéité. 

Quelques études ont retrouvé une corrélation entre la sévérité de l’apathie et des troubles de fonctions exécutives (anticipation, sélection d’un objectif, planification, capacité de s’adapter aux changements). 

Le lien entre apathie et déclin cognitif a été peu exploré dans la maladie d’Alzheimer. Selon une étude, la fréquence de l’apathie augmente avec la sévérité des troubles cognitifs. 

Fait intéressant: les personnes apathiques considérées comme saines peuvent avoir de mauvais résultats à des tests cognitifs, suggérant que l’apathie peut être un signe avant-coureur permettant d’identifier des personnes à risque. Cette hypothèse est confirmée par une étude de suivi ayant montré que les sujets à risque apathiques ont une probabilité plus grande de développer plus tard une maladie d’Alzheimer. 

De même, l’anosognosie (méconnaissance par un malade d’un trouble), très fréquente dans la maladie d’Alzheimer, est principalement liée à l’apathie (par exemple, le malade a peu conscient qu’il manque d’initiative, de motivation, etc.).

Apathie et Alzheimer : la recommandation de la Haute autorité de la santé

L’apathie est un trouble du comportement qui devrait être mieux diagnostiqué, selon la Haute autorité de la santé (HAS). L’apathie est souvent confondue avec la dépression, ce qui explique qu’un bon nombre de patients consomment, à tort, des antidépresseurs.

L’agence française de santé publie de nouvelles recommandations sur l’apathie avec le double objectif de : « définir précisément le diagnostic » et de « recommander une prise en charge privilégiant des moyens thérapeutiques non médicamenteux. »

Selon la HAS, « les interventions non médicamenteuses doivent être privilégiées, car elles s’attaquent aux symptômes. Il peut s’agir de thérapies de stimulation cognitive, de réhabilitation psycho-socio-cognitive ou encore d’activités de groupe liées à la vie quotidienne…».

La HAS recommande de réduire les médicaments à risque d’effets secondaires favorisant l’apathie.

L’apathie s’accompagne d’un dysfonctionnement de certaines régions du cerveau

La plupart des travaux ont rapporté que l’apathie s’accompagne d’un mauvais fonctionnement de certaines régions du cerveau.

Une baisse de métabolisme (caractérisée par une réduction de la circulation sanguine) a été observée dans le cortex frontal et temporal des patients Alzheimer apathiques.

Il existe une corrélation entre la sévérité de l’apathie et la réduction de l’activité du cortex frontal.

Le cortex frontal (1) et cingulaire (2) du cerveau.

La technique de résonnance magnétique nucléaire a montré que l’épaisseur du cortex frontal et du cortex cingulaire diminue (reflétant une atrophie de ces régions) chez les patients Alzheimer apathiques.

Cette étude démontre que l’apathie n’est pas seulement un trouble psychologique, mais qu’elle s’accompagne d’un dysfonctionnement de certaines régions du cerveau.

Maladie de Parkinson

Selon les données épidémiologiques, la prévalence de l’apathie dans la maladie de Parkinson est estimée entre 16 et 42%. Cette variabilité dépend de l’instrument utilisé ainsi que de la composition des populations examinées. 

Sa sévérité n’est généralement pas liée à la sévérité des troubles moteurs. Par contre, elle semble en lien avec l’importance des troubles cognitifs, notamment exécutifs. 

L’apathie peut apparaître chez le parkinsonien sans que celui-ci souffre de troubles dépressifs et inversement. 

Démence fronto-temporale

L’apathie fait partie des signes initiaux les plus fréquents de la démence fronto-temporale.

Sa prévalence est estimée à 70-90% et elle s’observe à tous les stades de la maladie. 

Les patients ne sont en général pas conscients de ce trouble. Par conséquent, le diagnostic devra essentiellement se baser sur les informations fournies par l’aidant le plus proche. 

La présence d’une apathie chez un malade permet de différencier une démence fronto-temporale d’autres formes de démences fronto-temporales (par ex. démence sémantique et aphasie progressive primaire). 

Dans la démence fronto-temporale, la sévérité de l’apathie est liée a la sévérité des perturbations du cortex frontal.

Apathie et maladie vasculaire

Une étude récente réalisée chez les personnes âgées de plus de 85 ans indique que cette catégorie de population âgée souffrant d’une maladie vasculaire a un risque accru de souffrir d’apathie, mais pas de dépression, suggérant que ces deux troubles n’ont pas la même cause. 

Evaluation

La prise en charge de l’apathie reste aujourd’hui difficile, en grande partie par manque de moyens standardisés pour en détecter la présence et en évaluer la sévérité. 

La première échelle proposée fut l’Apathy Evaluation Scale (AES) et sa version abrégée, appelée Apathy Scale (AS).

L’inventaire neuropsychiatrique est un instrument fiable pour évaluer les troubles neuropsychiatriques dans les maladies neurologiques.

Une autre échelle plus spécifique est également utilisée et s’appelle l’Inventaire Apathie (IA).

Plus récemment, deux nouveaux instruments ont été proposés : le Structured Interview for Apathy (SIA) et le Lille Apathy Rating Scale (LARS).

Exemple d’atrophie cérébrale (flèches rouges)

L’apathie augmenterait le risque de trouble cognitif

Les personnes âgées souffrant d’apathie mais sans symptômes dépressifs présentent une atrophie cérébrale plus importante, comparées à celles qui ne sont pas apathiques.

Selon l’auteur principal de l’étude, la perte de mémoire n’est donc pas le seul symptôme associé à une diminution anormale du volume du cerveau, caractéristique d’un vieillissement cérébral pathologique.

Les chercheurs ont montré, à l’aide d’examens de neuroimagerie, que la baisse du volume du cerveau concerne à la fois la substance grise (formée des corps cellulaires des neurones qui stockent les informations) et la substance blanche (formée des axones et terminaisons qui assurent la connexion entre les neurones).

Ces résultats, s’ils étaient confirmés, permettraient d’identifier les personnes apathiques comme des individus à risque de développer des troubles cognitifs. Source: Structural MRI correlates of apathy symptoms in older persons without dementia: AGES-Reykjavik Study. Neurology, 2014.