Consommation excessive d’alcool
Commentaires fermés sur Consommation excessive d’alcoolLa consommation excessive d’alcool chez les personnes âgées peut avoir des effets délétères car les changements physiologiques liés au vieillissement rendent les personnes âgées particulièrement vulnérables aux méfaits de la consommation excessive d’alcool. En revanche, une faible consommation de vin rouge réduit le risque de démence.
Épidémiologie
La prévalence de l’abus d’alcool chez les personnes âgées (plus de 30 g/jour d’alcool) varierait de 2 à 4% en France et aux États-Unis. Si l’on tient compte des critères plus restrictifs du DSM, la prévalence serait de l’ordre de 6%. Cette prévalence est plus élevée chez les personnes âgées hospitalisées que chez celles vivant à domicile.
Selon une étude publiée en ligne le 31 juillet 2019 dans le Journal de l’American Geriatrics Society, plus d’un adulte sur dix âgé de 65 ans et plus aux États-Unis est un buveur excessif occasionnels.
La consommation excessive d’alcool est définie comme la consommation de 5 boissons alcoolisées ou plus dans une même occasion pour les hommes et de 4 consommations ou plus pour les femmes.
Les buveurs occasionnels étaient plus susceptibles d’être des hommes (58%), avaient une prévalence plus élevée de consommation actuelle de tabac (21%) et / ou de cannabis (6%) et une prévalence inférieure d’au moins deux maladies chroniques (29%) par rapport aux non-buveurs occasionnels », déclare Dr Benjamin Han, de l’école de médecine de l’Université de New York.
Les maladies chroniques les plus courantes chez les grands buveurs étaient l’hypertension (41,4%), les maladies cardiovasculaires (23,1%) et le diabète (17,7%).
Ces résultats sont issus d’une analyse transversale portant sur plus de 10 000 adultes âgés de 65 ans au moins provenant du National Survey on Drug Usage and Health (NSDUH) des États-Unis.
Profil de l’alcoolisme chez les personnes âgées
L’alcoolisme ancien concerne les deux tiers des personnes âgées. L’alcoolisme tardif est souvent dû à des événements stressants de la vie (par ex. séparation, deuil, conflits de générations, maladie invalidante) ou à des facteurs environnementaux (par ex. l’isolement social, célibat).
Alcoolisme et co-morbidité
L’alcoolisme des personnes âgées s’accompagne souvent de signes et symptômes : chutes à répétition, troubles de la marche, confusion, dénutrition, incontinence, baisse de l’activité psychomotrice, négligences d’hygiène corporelle.
Les troubles liées à la consommation excessive d’alcool se confondent également avec des maladies organiques ou psychiques : hypertension, problèmes hépatiques, troubles de la digestion, troubles de l’humeur et du sommeil (insomnies, cauchemars).
Complications de l’alcoolisme
Les complications sont les suivantes:
- Chutes et accidents;
- Incohérence alimentaire;
- Problèmes familiaux, dont l’isolement social;
- Effets néfastes sur la santé.
Évaluation de l’alcoolisme
L’évaluation devrait comporter:
- un examen physique complet;
- un dépistage d’autres signes d’alcoolisme (par ex. hyperuricémie, troubles gastrointestinaux, hypertension artérielle, insomnie);
- bilan biologique;
- recueil des habitudes alimentaires;
- estimation de l’état mental;
- appréciation de l’attitude face au vieillissement;
- antécédents de consommation (alcool, médicaments).
Alcool et baisse des facultés mentales chez les personnes âgées
Au fur et à mesure que l’on vieillit, les effets nocifs d’une consommation excessive d’alcool sont plus marquée sur les fonctions clés du cerveau telles que la mémoire, l’attention et l’apprentissage, selon des chercheurs américains de l’Université de la Floride.
Une consommation d’alcool est considérée comme excessive quand :
-
- Un homme boit 4-5 verres ou plus dans une journée ou plus de 14 verres par semaine.
- Une femme boit 3-4 verres ou plus par jour ou plus de 7 verres par semaine.
Ces derniers ont demandé à 31 hommes et 35 femmes de réaliser une série de tests neuropsychologiques puis ont été répartis en groupes en fonction de leur consommation d’alcool: buveurs importants, buveurs modérés ou non buveurs.
Environ 53 % du groupe d’étude étaient des buveurs occasionnels, alors que 21% étaient considérés comme des buveurs réguliers importants.
Les résultats des tests de ce dernier groupe ont été comparés aux résultats obtenus avec 45 non buveurs et buveurs modérés.
L’équipe de recherche a suivi les fonctions cérébrales telles que l’attention, l’apprentissage, la mémoire, la fonction motrice, la fonction verbale et la vitesse de la pensée, la fonction exécutive (qui comprend le raisonnement et la mémoire de travail).
L’étude a révélé qu’une consommation importante d’alcool chez les personnes âgées se traduisaient par des scores plus faibles aux tests évaluant la mémoire et l’apprentissage, la mémoire et la fonction motrice.
Ceux qui avaient connu une dépendance à l’alcool avaient également obtenu de mauvais résultats aux tests.
Les chercheurs soulignent que les effets de la consommation excessive d’alcool peuvent être particulièrement dangereux pour les personnes âgées, dont beaucoup prennent plusieurs médicaments.
Consommation modérée d’alcool et risque de démence
Il est admis qu’une consommation modérée de boissons d’alcool -et en particulier du vin rouge ont des effets préventifs sur les maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées (tels que l’infarctus du myocarde, l’ischémie cardiaque, la cardiopathie valvulaire, l’arythmie, l’artérite et l’accident vasculaire cérébral).
En effet, la consommation modérée et régulière de boissons alcoolisées (1 à 2 verres par jour):
- diminue le risque d’athérosclérose (c’est-à-dire la formation de dépôts contenant du cholestérol et des lipides dans les artères), en élevant le taux de lipoprotéines de haute densité ou HDL (appelé communément le « bon cholestérol »), et, peut-être, en diminuant celui des lipoprotéines de basse densité ou LDL (le « mauvais cholestérol »);
- diminue le risque de thrombose (aggrégation de plaquettes et de fibrine dans le sang);
- accélère la fibrinolyse (dissolution des caillots intravasculaires par une enzyme de dégradation appelée plasmine) et diminue les taux sanguins de fibrinogène (une protéine favorisant la coagulation).
Il est maintenant admis que les personnes âgées souffrant de maladies cardiovasculaires sont plus enclines à souffrir de troubles cognitifs ou être atteintes d’une démence[2].
A partir de ce constat, un groupe de chercheurs a étudié les effets prolongés d’une consommation d’alcool sur le risque de développer une démence.
Les résultats ont montré qu’une consommation modérée d’alcool (jusqu’à 3 verres par jour) diminue significativement le risque de développer une démence, et en particulier une démence vasculaire *.
* La démence vasculaire, moins fréquente que la démence de type Alzheimer, est la conséquence de lésions (uniques ou répétées et d’ampleur variable) au cerveau, provoquées par un manque d’irrigation.
Cet effet est plus marqué chez les hommes et ne dépend pas du type de boissons consommées.
Ces résultats rejoignent ceux publiés par une équipe sino-suédoise [5].
Ces résultats -qui sont toutefois contestés en raison de la méthodologie- sont certes encourageants pour les buveurs modérés, mais attention : on dit bien « modérés ». Et il serait déraisonnable de pousser à la consommation les buveurs d’eau (en particulier des personnes à risque) qui se sont abstenus jusqu’à maintenant.
Cette étude a été réalisée sur 400 personnes âgées de 75 ans. La consommation modérée d’alcool (calculée en prenant comme unité étalon la quantité d’éthanol présente dans les boissons) correspond au maximum à 16g/jour pour les femmes et à 24g/jour pour les hommes.
A titre indicatif:
- Une bouteille de bière (340 ml) contient 13g d’éthanol
- Un verre standard de vin contient 11g d’éthanol
- Un verre (44ml) de spiritueux contient 15g d’éthanol
Consommation excessive d’alcool et risque d’AVC d’origine ischémique
Préventif jusqu’à deux verres par jour
La consommation modérée (de un à deux verres par jour) d’alcool réduit légèrement (jusqu’à 20%) le risque d’AVC d’origine ischémique, selon une méta-analyse portant une trentaine de travaux et publiée dans le journal BMC Medicine en février 2017.
Au dessus de 3 à 4 verres d’alcool par jour, l’alcool a un effet délétère, augmentant le risque d’AVC ischémique.
Il y a également une augmentation du risque de cancers, maladies cardiovasculaires et cirrhose du foie. Une autre étude américaine souligne le risque accru (+15%) de cancer du sein chez les femmes consommant jusqu’à six verres de vin par semaine.
Enfin, ce risque augmente en plus lorsque la consommation quotidienne dépasse les 4 verres par jour.
Alors que la faible consommation d’alcool est associée à un faible risque d’AVC d’origine ischémique, l’alcoolisme augmente au contraire ce risque (c’est ce que l’on appelle une courbe en J).
Si vous avez une fréquence de consommation d’alcool supérieure à 2 fois par semaine, votre risque de mortalité causée par un AVC est multiplié par trois, comparé à ceux qui ne boivent pas d’alcool.
Des effets qui dépendent de l’âge et de la fréquence
Les résultats montrent également que les effets de l’alcool ne se limitent pas à la quantité consommée mais aussi à la fréquence de consommation.
De plus, boire plus de 2 verres d’alcool (incluant le vin) par jour en milieu de vie augmente d’un tiers le risque d’AVC, par rapport à ceux qui ne boivent peu ou pas.
Le risque de l’alcool sur la survenue d’un AVC est supérieur à celui de l’hypertension et le diabète, du moins lorsque les consommateurs sont âgés de 50-60 ans.
En revanche, pour les septuagénaires, l’hypertension et le diabète sont des facteurs de risque d’AVC plus importants que l’alcoolisme.
2609 hommes ont participé à cette étude menée par des chercheurs finlandais. Les hommes étaient d’âge mur et ont été suivis pendant 20 ans.
Conclusion : consommer plus de deux verres d’alcool par jour constitue un facteur de risque d’AVC. Ce facteur varie avec l’âge.
Consommation excessive d’alcool et risque d’AVC d’origine hémorragique
Consommer plus de trois à quatre verres d’alcool par jour après 60 ans accélère le vieillissement cérébral, selon une étude publiée sur 137 patients hospitalisés pour un AVC. Selon les chercheurs lillois (France), à la soixantaine, une consommation régulière (et non excessive) d’alcool fragilise les artères cérébrales, pouvant provoquer un AVC d’origine hémorragique (rupture de l’artère rompue).
Plus précisément, il apparaît que les buveurs réguliers font des hémorragies cérébrales en moyenne 14 ans avant les non-buveurs victimes d’un AVC hémorragique.
L’AVC survient préférentiellement dans les aires profondes du cerveau irriguées par des petites artères qui sont les plus vulnérables. «L’alcool va rendre ces petits vaisseaux de plus en plus rigides et poreux», poursuit le Pr Cordonnier, l’un des auteurs de l’étude.
Une autre étude souligne qu’au-delà de deux verres d’alcool par jour, le risque d’AVC d’origine hémorragique augmente vite (+60%).
Le fait que les vaisseaux rompent plus facilement s’expliquerait par le fait que la consommation d’alcool pourrait diminuer les niveaux de fibrinogène, une protéine qui facilite la formation de caillots sanguins.
Sources
-
- The Journal of the American Medical Association, juin 2012.
- Neurobiology of Aging, 21, 153-160, 2002.
- The Lancet 359, 281-286, 2002.
- The frequency of alcohol consumption is associated with the stroke mortality. Acta Neurologica Scandinavica, mars 2014.
- Differing association of alcohol consumption with different stroke types: a systematic review and meta-analysis. BMC Med. 2016 Nov 24;14(1):178.
- Alcoholism: Clinical and Experimental Research, Sept. 2016.
- Alcohol consumption and incidence of dementia in a community sample aged 75 year and older, Journal of Clinical Epidemiology, 55, 959-964, 2002.