Delirium (syndrome confusionnel)
Commentaires fermés sur Delirium (syndrome confusionnel)Le delirium – syndrome ou état confusionnel – se caractérise par des changements du niveau de conscience, une désorientation et des troubles du comportement.
Il est fréquent après une opération chirurgicale.
Il ne faut pas confondre delirium (littéralement traduit du latin par en dehors du sillon) et délire, qui est une perturbation du raisonnement logique.
Résumé
Le syndrome confusionnel est fréquemment observé chez le sujet âgé.
Il se manifeste par :
- une perturbation du niveau de conscience (somnolence diurne, perturbation du sommeil la nuit);
- une diminution de l’attention (difficulté à diriger et à se concentrer);
- un déficit cognitif (mémoire, orientation ou langage);
- des idées délirantes et hallucinations;
- des troubles du comportement.
Il peut s’avérer délicat à traiter, en particulier dans ses formes les plus hyperactives. Les règles de prescription consistent à éviter le recours aux benzodiazépines, et favoriser la prescription d’antipsychotiques ou de médicaments de type clométiazole. Les patients atteints de delirium doivent bénéficier d’une réévaluation de leurs fonctions neuropsychologiques.
L’état confusionnel aigü, ou delirium, est un syndrome organique provoqué par un dysfonctionnement cérébral. Il se caractérise par un ensemble de troubles et symptômes qui apparaissent rapidement et qui évoluent sur une courte période. Il a généralement pour origine plusieurs causes.
Historique du delirium
1881 : Lasègue décrit pour la première fois le delirium tremens chez les alcooliques.
1892 : Chaslin décrit la confusion mentale et note déjà l’hétérogénéité clinique.
1911 : Regis décrit les délires secondaires post-oniriques.
1935: Wolff et Curran le décrivent comme un état mental provoqué par une malnutrition et un mauvais apport snaguin dans le cerveau.
Epidémiologie du delirium
Les taux d’incidence les plus élevés ont été observés dans les services de soins intensifs, postopératoires et de soins palliatifs. Étant donné que bon nombre de ces études excluaient les patients atteints de déficience cognitive ou de démence au départ, ces taux sont probablement sous-estimés.
Dans les services de médecine générale et de gériatrie, la prévalence du delirium (présent à l’admission) varie de 18 à 35%. Plus spécifiquement, la prévalence du delirium chez les patients âgés hospitalisés varie de 15 à 25% après une opération chirurgicale importante et est évaluée à 50% après une opération à haut-risque chez la personne âgée, telle qu’une fracture de la hanche ou une chirurgie cardiaque. L’état confusionnel est donc fréquent après une opération chirurgicale.
La prévalence de l’état confusionnel dans le milieu communautaire est relativement faible (1 à 2%), mais son apparition amène habituellement le patient à des soins d’urgence. Il est présent chez 8 à 1% des personnes âgées admis aux urgences. Sa prévalence en fin de vie avoisine les 85% en soins palliatifs.
Dans les unités de soins intensifs, le delirium débute habituellement dans les premiers jours d’hospitalisation et dure habituellement de 24 à 48 heures. La prévalence est de 70 %.
Le délire est systématiquement associé à un taux de mortalité accru chez toutes les populations de patients n’ayant pas subi de chirurgie (ex. unités de soins intensifs médicaux, gériatriques et intensifs.). 15 à 18 % de ceux qui développent un delirium dans les services de médecine générale ou gériatrique sont 1,5 fois plus susceptibles de mourir dans l’année. Chez les patients plus âgés atteints de démence, le delirium est associé à des taux accrus de déclin cognitif, d’institutionnalisation et de mortalité.
Les causes du syndrome confusionnel
Alors qu’un seul facteur peut conduire au délire, le plus souvent le délire est multifactoriel. Il existe des facteurs de prédisposition qui sont associés à des facteurs étiologiques : l’âge élevé, le sexe masculin, la présence d’une démence ou d’une maladie psychiatrique, la consommation de médicaments (par ex. benzodiazépines, sédatifs, hypnotiques), une dépendance à l’alcool et la baisse de l’acuité visuelle.
Chez les patients très vulnérables au delirium, tels que ceux atteints de démence sous-jacente et de plusieurs autres troubles, une simple prise de médicament – telle qu’une dose unique de somnifère – peut suffire à précipiter le délire.
A l’inverse, chez un jeune patient en bonne santé, le délire ne se développera qu’après une exposition à une série d’événements majeurs, tels qu’une anesthésie générale, une intervention chirurgicale importante, la prise de plusieurs médicaments psychotropes, un séjour en soins intensifs et une privation de sommeil.
Sur le plan clinique, l’implication de plusieurs facteurs causaux est que le traitement d’un facteur de risque unique est peu susceptible de résoudre le délire, et que les approches multiples seront les plus efficaces à la fois pour prévenir et traiter le syndrome confusionnel.
Les causes peuvent être :
- des troubles métaboliques;
- des infections (pneumonie, infection urinaire, septicémie…);
- des maladies ou accidents neurologiques (AVC, dépression, épilepsie);
- des opérations chirurgicales (choc opératoire, immobilisation, anesthésies générales);
- des problèmes cardiaques (insuffisance cardiaque, infarctus, trouble du rythme cardiaque);
- des traumatismes;
- maladies auto-immunes (lupus);
- des affections somatiques (rétention d’urine, fécalome);
- des causes psychologiques;
- néoplasies;
- la prise de plusieurs médicaments ou l’utilisation de médicaments psychoactifs (risque accru de 4,5 fois).
- Le sevrage d’une substance ou d’un médicament (benzodiazépines, opiacés, psychostimulants, alcool).
La démence est avec la confusion mentale et la dépression, un des facteurs étiologiques du delirium. Les épisodes confusionnels sont fréquents après une opération provoquée par exemple par une hypoxie ou une hypotension post-opératoire. Les antidépresseurs tricycliques, les antipsychotiques et antiparkinsonens (qui possèdent des propriétés anticholinergiques), les benzodiazépines et barbituriques, les sevrages médicamenteux (benzodiazépines, barbituriques) sont également à l’origine de delirium, de même que les analgésiques de type morphine, certaines antihypertenseurs (bêta-bloquants, inhibiteurs calciques…).
Physiopathologie
Le delirium est sans doute la conséquence de l’implication de plusieurs facteurs causaux qui pris un à un semblent mineurs mais qui en s’accumulant déclenchent la maladie.
Il est probable que plusieurs ensembles de facteurs biologiques interagissant entraînent une perturbation des réseaux des neurones et une baisse du métabolisme dans certaines régions du cerveau, conduisant à un dysfonctionnement de la cognition. D’autres mécanismes causaux interfèrent plus indirectement avec la neurotransmission. Par exemple, la réponse inflammatoire observée dans la septicémie peut entraîner une cascade de neuroinflammation locale dans le cerveau déclenchée par des cytokines, conduisant à une diminution du débit sanguin et à une mort neuronale. La neuroinflammation peut conduire à une activation de cellules gliales, entraînant à son tour une mort des neurones.
Des modifications du cycle veille-sommeil ont été rapportées chez des patients présentant des troubles du sommeil et des agitations vespérales (en anglais sundowning syndrome). Le système cholinergique est affecté dans le delirium, hypothèse corroborée par le fait que des médicaments ayant des propriétés anticholinergiques (c’est-à-dire qui provoquent une baisse des niveaux d’acétylcholine) provoquent des épisodes confusionnels aigus. D’autres neurotransmetteurs (GABA, dopamine) peuvent également être impliqués.
Les facteurs de risque sont :
- L’âge
- La démence
- Le sexe masculin
- Histoire antérieure de délirium
- Déficits en vitamines
- Dépression, anxiété
- Douleur, fractures. déshydratation.
Critères diagnostiques du delirium
Le delirium est un diagnostic clinique, souvent méconnu et facilement ignoré. La reconnaissance nécessite un bref dépistage cognitif et une observation clinique.
Les principales caractéristiques diagnostiques comprennent l’apparition soudaine et fluctuante des symptômes, l’inattention, l’altération du niveau de conscience et la perturbation de la cognition (p. ex. Désorientation, troubles de la mémoire, altération du langage).
Les perturbations perceptuelles (hallucinations ou illusions), les délires, les troubles psychomoteurs (hypo- ou hyper-activité), les comportements inappropriés et la labilité émotionnelle. Les critères diagnostiques standard de référence actuels sont le Manuel diagnostique et statistique de l’American Psychiatric Association (DSM-IV) et la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation mondiale de la santé.
Le DSM-IV définit le delirium comme un trouble mental dû à une affection médicale générale constitué par l’association des critères diagnostiques suivants :
- perturbation de l’attention et de la conscience ;
- modification, altération des performances cognitives (mémoire, orientation, langage, troubles de la perception);
- altération des perceptions sensorielles se manifestant par des illusions ou des hallucinations visuelles ou auditives qui retentissent sur le comportement du patient, avec possibilité de réactions de panique (fugue, agression..);
- la perturbation s’installe en un temps court (quelques heures à quelques jours), avec une évolution fluctuante tout au long de la journée;
- mise en évidence d’après l’anamnèse, examens cliniques et paracliniques, que la perturbation est due aux conséquences physiologiques directes d’une affection médicale générale.
Pour le CIM-10, les critères sont sensiblement les mêmes, à la différence que selon le CIM-10, le début est habituellement brutal, l’évolution est fluctuante en cours de journée et la durée totale de l’épisode est inférieure à six mois. A ces principaux critères, s’ajoutent :
- des troubles psychomoteurs (hypo- ou hyperactivité, allongement du temps de réaction, augmentation ou diminution du flux verbal, exagération de la réaction de sursaut);
- une perturbation du rythme veille-sommeil;
- des troubles émotionnels, dépression, anxiété, irritabilité, apathie
- quelque fois des troubles végétatifs (tachycardie, sueurs, fièvre…);
- langage incohérent, logorrhéique.
Plus de 24 instruments ont été utilisés dans des études scientifiques pour identifier le delirium. Le plus utilisé est le Confusion Assessment Method (CAM), avec une sensibilité de 94% et une spécificité de 89%. Des tests cognitifs sont recommandés pour une utilisation optimale du CAM. Le CAM a été adapté pour être utilisé dans des unités de soins intensifs, les urgences et les maisons de retraite.
Formes cliniques
Les anomalies de perception comprennent des hallucinations, des illusions et des interprétations erronées. Elles sont majoritairement visuelles et accompagnées de réactions émotionnelles. Un début brutal et une durée courte et circonscrite dans le temps sont des critères nécessaires au diagnostic de l’épisode confusionnel, mais le CIM-10 admet une durée maximale du tableau sur six mois. L’épisode confusionnel peut soit révéler la présence d’une démence non diagnostiquée, soit aggraver une démence déjà installée.
Diagnostic différentiel
Un `deux tiers des diagnostics de delirium sont manqués en raison de la fluctuation du tableau clinique tout au long de la journée.
L’état confusionnel aigü peut se confondre avec les maladies suivantes:
1. Démence. Contrairement au delirium, le début de la démence est insidieux, la vigilance est intacte, les hallucinations sont rares, l’activité psychomotrice est normale, l’humeur est peu altérée, les délires sont peu fréquents, le discours est le plus souvent normal au début de la maladie et les signes neurologiques sont souvent absents.
2. Aphasie de Wernicke. Ce trouble est marqué par des troubles de compréhension orale, des productions verbales caractérisés par un jargon ou des paraphasies. Dans certains cas, le patient est difficile à canaliser, ce qui peut amener à poser un diagnostic de confusion. Un scanner permettra de différencier l’aphasie de Wernicke d’un delirium.
3. Ictus amnésique. Le patient souffre d’amnésie isolée, d’installation brutale et transitoire (quelques heures). Les autres fonctions cognitives sont intacts.
4. Encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Cette carence en vitamine B1 se traduit par un syndrome confusionnel avec hypersomnie et hallucinations, et concerne les personnes en dénutrition. Un traitement précoce, avant l’apparition de signes neurologiques, est critique.
Evaluation clinique du delirium
L’étape la plus importante de l’évaluation consiste à prendre connaissance de l’historique d’un observateur averti (par exemple, un membre de la famille ou un soignant) et en effectuant une brève évaluation cognitive.
Un bref dépistage cognitif devrait être effectué au moyen de tests de dépistage cognitifs tels que le MMSE version courte ou le Montreal Cognitive Assessment. Si le temps est extrêmement limité, l’évaluation de l’orientation accompagnée d’une tâche d’attention fournit un dépistage de base.
L’électroencéphalogramme (EEG) a une sensibilité et une spécificité limitées dans le diagnostic du delirium. Cependant, le delirium se caractérise par une activité thêta et delta accrue.
Les outils d’évaluation de la sévérité du delirium sont le Delirium index et le Confusional State Evaluation, alors que le principal outil de dépistage est le Confusion Assessment Method. D’autres tests neuropsychologiques sont également utiles : le mini-examen mental, le test de l’horloge et le test des tracés.
Compte tenu des taux élevés de mortalité, tout cas suspect ou incertain (y compris ceux avec léthargie ou qui sont incapables de terminer une entrevue) devrait être traité comme un état confusionnel jusqu’à preuve du contraire. La gestion initiale se concentre sur trois priorités simultanées: (1) maintenir la sécurité du patient; (2) rechercher les causes; et (3) la gestion des symptômes de delirium.
Pour maintenir la sécurité du patient, les efforts doivent se concentrer sur la protection des voies respiratoires, le maintien de l’hydratation et de la nutrition, la prévention des chutes et l’absence de contraintes qui augmentent le risque et la persistance du delirium.
Un bilan médical complet est nécessaire : glycémie, dosage de médicaments, vitamine B12, test de fonction thyroïdienne, albumine, sodium, potassium, magnésium, etc.
Traitements
Le delirium doit être traité car il augmente la morbidité et le risque de placement en institution et la durée d’hospitalisation.
1. Stimulation du patient en journée, en l’encourageant et en facilitant les références à son milieu de vie naturel. Eviter l’isolement qui favorise la privation sensorielle. Rassurer le patient en lui parlant calmement. Eviter le bruit et l’agitation.
2. Traitement pharmacologique avec des psychotropes ayant des effets sédatifs : clométiazole, carbamates, antipsychotiques sans effets anticholinergiques (haloperidol, rispéridone, clozapine, quétiapine, benzamides). Il faut absolument éviter les barbituriques et benzodiazépines, médicaments qui sont souvent à l’origine des delirium, sauf dans le cas de delirium dû au sevrage de l’alcool ou des benzodiazépines.
Il est préférable de prescrire les psychotropes en une seule prise vespérale, dans le but de rétablir le cycle veille-sommeil. Un traitement répété lors de la journée peut provoquer un phénomène on-off paradoxal avec aggravation brutale des symptômes.
3. Traitement avec des vitamines B1, B6 et PP par voie parentale chez les alcooliques.
4. Beaucoup dormir, bien s’hydrater et bien se nourrir.
5. Faire en sorte que le patient voit et entende bien.
6. Faire en sorte que les proches soient présents. Ceux-ci doivent être bien informés sur la maladie.
7. Communiquer de manière succincte.
Le delirium mène t-il à la démence ?
Un sujet majeur de controverse est de savoir si le delirium est simplement un facteur de la vulnérabilité de la démence, ou si le délirium conduit lui-même à la démence. Il est probable que les deux hypothèses sont vraies. Il y a peu de doute que la survenue d’un épisode de délirium peut refléter une vulnérabilité du cerveau et un risque accru de démence future. Dans certains cas, le délirium peut amener des troubles cognitifs auparavant non diagnostiqués à être traités. Le delirium et la démence coexistent généralement, la démence étant un facteur de risque majeur de delirium, c’est-à-dire augmentant le risque de delirium de 2 à 5 fois.
Une méta-analyse impliquant deux études avec 241 patients au total a démontré que le delirium était associé à un taux accru de démence (+ 457 %). Dans un échantillon de 225 patients en chirurgie cardiaque, le delirium a entraîné un déclin ponctuel sévère du fonctionnement cognitif, suivi d’un rétablissement sur 6 à 12 mois chez la plupart des patients. Cependant, une proportion importante, en particulier ceux qui souffrent de delirium prolongé, ne reviennent jamais à leur fonctionnement initial. Chez 263 patients atteints de la maladie d’Alzheimer, le delirium a entraîné une accélération du taux de déclin cognitif après l’hospitalisation. On estime que le déclin survient trois fois plus rapidement.
En résumé
L’état confusionnel (ou delirium) est facile à négliger sans une évaluation cognitive formelle. Un bref examen cognitif permet d’aider à identifier le délirium, avec prise en charge appropriée. De plus, les personnes âgées prennent souvent de multiples médicaments psychoactifs qui augmentent le risque de délirium. La chute et la perte d’appétit sont souvent des signes avant-coureurs.
- Évaluer le délire chez tous les patients hospitalisés plus âgés: utiliser un dépistage cognitif simple et une échelle d’évaluation de l’état confusionnel. S’assurez d’obtenir l’historique de la part d’un proche du patient.
- Réduire les médicaments psychoactifs.
- Utilisez des approches non pharmacologiques pour gérer le sommeil, l’anxiété et l’agitation.
- Avoir des approches pharmacologiques pour les patients souffrant d’une agitation sévère, qui présentent un risque d’automutilation ou présentant des symptômes psychotiques (par exemple, des hallucinations, des états délirants).
- Inviter les membres de la famille à la prise en charge, en particulier pour la réorientation et la prévention de l’automutilation.
- Encourager la mobilité.
- Assurez-vous que les patients portent leurs lunettes, leurs prothèses auditives et leurs prothèses dentaires. Être capable de voir, d’entendre et de manger est important.
- Laissez les patients connaître leur emploi du temps et faire en sorte qu’ils soient impliqués dans leurs soins. Communiquer régulièrement avec les patients et leurs familles.
Source : Sharon K et coll. Delirium in elderly people. Lancet. 2014 March 8; 383(9920): 911–922.
Délirium : cas pratique
Mme M,
âgée de 71 ans, a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer (stade léger) après un examen
clinique et une évaluation des performances cognitives (son score au mini-examen de l’état mental est de 22). En plus
d’un médicament contre l’hypertension, Mme M prend 1 mg de lorazepam, 3 fois
par jour, pendant plus de 15 ans pour traiter une anxiété.
Mme M devient plus confuse à la maison depuis quelques jours, et sa fille
l’emmène chez son médecin pour une évaluation. Reconnaissant que les
benzodiazépines peuvent contribuer à état confusionnel aigü (délirium), le
médecin arrête le lorazepam. Trois jours plus tard, la confusion de Mme M
s’aggrave et elle développe des nausées et des tremblements.
Elle est emmenée aux urgences où elle est admise pour un sevrage aux benzodiazépines, afin de savoir si le delirium a pour origine la maladie d’Alzheimer ou la médication.
Bien que le délirium ait pour origine plusieurs facteurs, les médicaments sont des facteurs fréquents de prédisposition et aggravants et contribuent à environ 12% à 39% des cas de délire.
Les benzodiazépines et les opioïdes sont les médicaments les plus souvent associés à un risque accru de delirium, tout comme les médicaments ayant des propriétés anticholinergiques importantes (c’est-à-dire faisant baisser l’acétylcholine dans le cerveau).
En général, il n’y a pas de règles strictes sur la façon de réduire et d’interrompre les médicaments potentiellement à risque. Les étapes à envisager sont :
- Envisager de réduire et d’arrêter les benzodiazépines chez un patient qui prend plus que les doses minimales prévues pendant au moins deux semaines, en particulier après huit semaines de traitement.
- Dans le cas des opioïdes, envisager de les réduire chez un patient prenant plus que la dose minimale prévue pendant plus de quelques jours. Lorsque vous tentez d’éliminer les symptômes de délirium, réduire les opioïdes aussi rapidement et aussi sûrement que possible, avec une réduction recommandée de moins de 20% par jour pour prévenir les symptômes de sevrage.
- L’apparition et la durée des symptômes de sevrage dépendent de la demi-vie d’un médicament. Le sevrage survient plus tôt lorsque l’on cesse de prendre des médicaments avec des demi-vies d’élimination courtes (habituellement dans les 1 à 2 jours), alors qu’il peut ne pas apparaître avant 3 à 8 jours après l’arrêt des médicaments avec une demi-vie supérieure à 24 heures.
L’arrêt brusque d’un sédatif – hypnotique et opioïde – peut entraîner des symptômes de sevrage intolérables.
Il faut éviter le sevrage des benzodiazépines en raison du risque de complications sévères, telles que des crises d’épilepsie et le délirium.
Les crises de sevrage sont particulièrement fréquentes avec l’alprazolam en raison de sa courte demi-vie.
Il faut donc faire preuve d’une plus grande prudence lors de l’arrêt progressif de ce médicament.
En général, le sevrage des opioïdes ou des anticholinergiques ne met pas la vie en danger, mais doit être fait avec prudence.
Points-clé
- Les médicaments fortement impliqués dans le délirium devraient être retirés ou échangés.
- Tenir compte de la posologie et de la durée du traitement, de la demi-vie du médicament et de la nature des symptômes de sevrage pour déterminer la vitesse à laquelle la dose d’un médicament doit diminuer.
- Une réduction progressive de l’activité sur 2 ou 3 jours peut être envisagée chez les patients hospitalisés.
Délirium : cas pratique #2
Une femme octogénaire arrive aux urgences pour des problèmes comportementaux (agitation et hallucinations visuelles et auditives) accompagnés de chutes.
Elle est traitée pour une hypertension artérielle et n’a pas d’antécédent psychiatrique. Elle est traitée avec du Plavix.
Elle n’a aucune confusion lors de l’examen car elle a conscience de ses hallucinations, ce qui est à l’origine de ses angoisses.
Deux hypothèses diagnostiques sont proposées :
- Un état confusionnel qui survient au cours d’une démence ;
- Un état confusionnel ayant une cause organique transitoire.
Les examens complémentaires suivants ont été demandés :
- Un scanner n’ayant rapporté ni signes d’hémorragies ou d’ischémie cérébrale, ni d’atrophie cérébrale.
- Un électrocardiogramme.
- Un électroencéphalogramme, qui a mis en évidence des troubles du rythme cardiaque, avec fluctuation de la vigilance.
- Un score au mini-examen mental de 24 sur 30, suggérant un déclin cognitif.
- Aucune maladie mentale chronique selon le médecin psychiatre.
1er diagnostic
Un diagnostic d’état confusionnel avec hallucinations est posé. Un traitement avec du seresta (benzodiazépine) est apporté.
Le faible score au MMSE suggère la présence d’un déclin cognitif léger.
Une anomalie de l’ECG suggère un problème cardiaque, hypothèse confortée par l’observation d’un rythme cardiaque irrégulier à l’électroencéphalogramme.
Un
deuxième électrocardiogramme plus approfondi est entrepris.
2ème diagnostic
Le personnel médical diagnostique :
- une fibrillation auriculaire traitée notamment avec de l’anti-vitamine K (anticoagulant) et un antiarythmique.
- Une hypertrophie du ventricule gauche caractéristique d’une cardiopathie (la cardiopathie est présente dans 70% des cas de fibrillation auriculaire)
Cette fibrillation auriculaire dite paroxystique (c’est-à-dire qu’elle se manifeste sous forme de crise aigue pendant environ une semaine pour ensuite se terminer spontanément) conduit à un syndrome confusionnel aigü avec une diminution du débit sanguin cérébral.
- Début d’altération cognitive très modérée avec autonomie conservée.
Suite à la mise en place des traitements, aucune récidive n’a été observée.