Syndrome dysexécutif
Commentaires fermés sur Syndrome dysexécutifLe syndrome dysexécutif (dysexecutive syndrome en anglais) est une atteinte des fonctions exécutives qui se traduit par une incapacité partielle ou totale de développer et de planifier un comportement dirigé vers un but.
Ce terme a été introduit par le psychologue anglais Alan Baddeley connu pour son concept sur les mécanismes cérébraux impliqués dans le mémoire de travail.
Cette atteinte des fonctions exécutives peut se produire à la suite d’une affection du cerveau ou d’une blessure.
Cette atteinte peut être associée à une déficience intellectuelle ou à des troubles psychiatriques. Il peut être permanent (par exemple dans la cas d’une maladie
d’Alzheimer) ou transitoire à la suite d’un trouble délirant.
Le syndrome dysexécutif peut être léger (c’est-à-dire seulement remarqué par un ami proche
ou un parent) ou grave (c’est-à-dire remarqué par tout le monde).
Syndrome dysexécutif et syndrome du lobe frontal
Le syndrome était autrefois connu comme le syndrome du lobe frontal, mais le terme de syndrome dysexécutif est préféré car il met l’accent sur le type de symptômes et non sur l’emplacement des lésions.
En effet, il est important de noter que les lésions du lobe frontal ne sont pas la seule cause du syndrome dysexécutif (bien que la plus fréquente). Il a été démontré que des dommages situés dans d’autres zones du cerveau peuvent affecter indirectement les fonctions exécutives et conduire à des symptômes semblables.
Symptômes
Le syndrome dysexécutif est constitué d’un ensemble de symptômes résultant en général de dommages cérébraux. Ces symptômes sont de nature cognitive et comportementale et sont généralement concomitants.
Il est fréquent de rencontrer des patients qui présentent plusieurs, mais pas tous les symptômes. Les effets cumulés de ces symptômes ont un impact important sur leur vie quotidienne.
Les symptômes cognitifs
Les symptômes cognitifs se réfèrent à la difficulté d’une personne de planifier et de raisonner, à se souvenir de certains événements, à apprendre de nouvelles informations et à comprendre ce qui est dit et lu.
Globalement, les manifestations cliniques sont les suivantes:
- Difficulté d’organisation dans ses activités.
- Défaut de flexibilité pour modifier la manière de faire.
- Trouble de mémoire de travail (effectuer deux tàches simultanément).
- Difficulté d’abstarction, de conceptualisation.
- Difficulté de planification, d’anticipation.
- Déficit du raisonnement comparatif.
- Jugement appauvri dans le choix des actions.
- Difficulté de résolution de problème.
Ces déficits peuvent provoquer de nombreux problèmes dans la prise de décision quotidienne.
Une personne qui a un syndrome dysexécutif peut avoir un problème d’attention, ce qui modifie sa capacité à se concentrer. Il aura ainsi de la difficulté à lire et à suivre une conversation et évitera alors les interactions.
Les personnes atteintes ont une mauvaise mémoire de travail et à court terme. Ces troubles de mémoire peuvent conduire à des confabulations (constructions d’événements fictifs, sans intention délibérée de tromper, attribuables à un trouble de la mémoire).
Les symptômes comportementaux
Les personnes atteintes du syndrome dysexécutif perdent souvent leurs habiletés sociales parce que leur capacité de jugement est altérée. Elles ont également du mal à contrôler leur impulsion, ce qui se traduit par une agressivité plus importante et un comportement colérique.
La persévération est également souvent observée chez ce type de patients. La persévération est la répétition des mêmes mots, des mêmes phrases pensées ou des mêmes actions.
Par exemple, lorsqu’un examinateur demande à un patient de nommer des animaux et qu’il ne peut en nommer qu’un. Si l’examinateur lui demande de nommer des couleurs, le patient continuera à nommer des animaux.
Une personne atteinte de syndrome dysexécutif combiné à une démence, un délire ou un autre trouble psychiatrique sévère peut présenter des troubles du sommeil. Elle ne se rend pas compte qu’il fait nuit et se montre contrariée quand un proche lui faire remarquer son erreur.
Les symptômes psychologiques peuvent être assez forts et provoquer de graves problèmes. Cela inclut l’agressivité, la colère, l’excitation, la tristesse ou la frustration.
En raison des multiples atteintes du fonctionnement cognitif, la personne peut se sentir très frustrée lorsqu’il s’agit d’exprimer certains sentiments. L’agressivité et la colère sont liés au fait qu’elle a du mal à maîtriser son comportement et à comprendre les points de vue des autres.
Troubles concomitants avec le syndrome dysexécutif
Le syndrome dysexécutif survient souvent avec d’autres troubles (c’est la comorbidité).
De nombreuses études ont examiné la présence du syndrome dysexécutif chez les patients atteints de schizophrénie, dont les résultats aux tests sont comparables à ceux de patients atteints de lésions cérébrales.
Le syndrome dysexécutif s’observe également au cours de nombreuses maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, les démences fronto-temporales, la maladie de Parkinson, la démence à corps de Lewy et la dégénérescence cortico-basale.
Dans les démences fronto-temporales, le syndrome dysexécutif est associé à une agitation, une agressivité, tandis que les troubles de l’attention sont plus souvent associés à l’apathie. Le syndrome dysexécutif se voit aussi dans les démences vasculaires, les infarctus du cortex cingulaire et du thalamus et les états lacunaires.
Le syndrome dysexécutif est enfin aussi associé à la dépression. Il s’accompagne chez la personne âgée dépressive d’altérations du lobe frontal lors d’un bilan neuropsychologique : atteintes des fluences verbales et des dénominations visuelles.
Les activités instrumentales de la vie quotidienne sont altérées, d’autant plus que la dépression évolue et qu’une symptomatologie paranoïde peut se démasquer. La vascularisation cérébrale montre que les états dépressifs s’accompagnent d’une baisse de la vascularisation du lobe frontal chez la personne âgée.
Le syndrome dysexécutif associé à la dépression est souvent résistant aux traitements antidépresseurs habituels et récidive fréquemment. La dépression altère à la fois les capacités cognitives et les habilités exécutives.
Il est important de prendre en compte cette atteinte exécutive, car elle favoriserait le suicide notamment lorsque la dépression accompagne la maladie d’Alzheimer.
Fréquence des troubles cognitifs et comportementaux dans le syndrome dysexécutif
Symptômes | Fréquence |
Anosognosie | 42 |
Comportement sexuel inapproprié | 8 |
Comportement social inapproprié | 18 |
Confabulations | 20 |
Coordination | 9 |
Déduction de règles | 28 |
Dépendance environnementale | 14 |
Génération d’informations | 38 |
Hyperactivité-distractibilité | 20 |
Hypoactivité – apathie | 34 |
Inhibition | 21 |
Intitiation | 21 |
Permutation (shifting) | 25 |
Plannification | 22 |
Stéréotypies | 22 |
Fréquence des troubles cognitifs et comportementaux selon le diagnostic
Troubles cognitifs (%) | Troubles comportemenatux (%) | |
Maladie d’Alzheimer | 73 | 65 |
Traumatisme crânien | 54 | 57 |
Maladie de Parkinson | 39 | 42 |
Sclérose multiple | 28 | 38 |
AVC | 29 | 25 |
D’après Godefroy O and the Groupe de Réflexion sur L’Evaluation des Fonctions Exécutives. Frontal dysexecutive syndromes. Rev Neurol 2004;160:899–909.
Les fonctions cognitives associées à la fluence, la planification et la flexibilité cognitive sont particulièrement affectées dans la maladie d’Alzheimer, alors que les troubles associés à l’initiation d’une tâche et à la déduction prédominent respectivement dans les traumatismes crâniens et les AVC.
Concernant les troubles comportementaux, il existe une forte prédominance de l’anosognosie et de l’hypoactivité associée à l’apathie, quelque soit le type de pathologies.
Critères diagnostiques du syndrome dysexécutif
Le Groupe de Réflexion pour l’Evaluation des Fonctions Exécutives (GREFEX) a proposé des critères diagnostiques du syndrome dysexécutif, en séparant les troubles cognitifs des troubles psychologiques.
En effet, les deux types de troubles peuvent survenir séparément.
Critères spécifiques des troubles comportementaux et cognitifs
Troubles comportementaux | Troubles cognitifs |
Hypoactivité globale avec aboulie et/ou apathie | Incapacité à ne pas tenir compte des informations qui ne sont plus pertinentes |
Hyperactivité globale avec désinhibition et/ou impulsivité et/ou distractibilité | Difficulté à déduire et identifier des règles |
Persévérations de règles opératoires et comportements stéréotypés | Rigidité cognitive (difficulté à passer rapidement d’une activité à une autre en fonction des demandes de l’environnement) |
Syndrome de dépendance à l’environnement | Difficultés à produire rapidement une information (fluence verbale et non verbale) |
D’après Godefroy O and the Groupe de Réflexion sur L’Evaluation des Fonctions Exécutives. Frontal dysexecutive syndromes. Rev Neurol 2004;160:899–909.
À ces critères spécifiques s’ajoute une liste de troubles qui sont confirmeraient la présence d’un syndrome dysexécutif.
Troubles comportementaux | Troubles cognitifs |
Confabulation et paramnésie réduplicative | Difficulté à planifier et à résoudre un problème |
Anosognosie et anosodiaphorie | Difficulté à résoudre deux tâches simultanément |
Troubles émotionnels et du comportement social | |
Troubles du comportement alimentaire, sexuel et sphinctérien |
Évaluation du syndrome dysexécutif
Six tests et un questionnaire ont été conçus pour évaluer les troubles comportementaux. Cette batterie de tests mimant des situations réelles font partie du Behavioural Assessment of Dysexecutive Syndrome (BADS).
Les six tests
- Test de changement de règle (Rule shift cards). Ce test de carte évalue la capacité du sujet à ignorer une règle précédente après avoir reçu une nouvelle règle à suivre.
- Programmation d’une action complexe (Action Program). Ce test évalue la capacité de résoudre un problème.
- Recherche d’une clé (Key search). Ce test évalue la capacité d’un patient d’accomplir une tâche consistant à retrouver quelque chose qui a été perdue.
- Jugement d’écoulement temporel (Temporal judgement). Les patients doivent faire des suppositions raisonnables à partir de questions telles que : « à quelle vitesse galope un cheval ? ».
- Planification d’une visite d’un zoo (Zoo map). Teste la capacité de planifier tout en suivant un ensemble de règles.
- Test des 6 éléments, version simplifiée (Modified Six Elements). Ce test évalue la capacité du sujet à planifier, organiser et gérer son comportement.
L’inventaire du syndrome dysexécutif comportemental
C’est un questionnaire de 20 items conçu pour évaluer les perturbations dans la vie quotidienne du patient. DysExecutive Questionnaire ou DEX en anglais.
Ces 20 items concernent douze domaines qui englobent les troubles comportementaux.
Comment s’évaluent les troubles cognitifs ?
Les sept tests suivants ont été utilisés par le GREFEX pour évaluer les troubles cognitifs.
- Test de Stroop. Il évalue la capacité d’un sujet à ignorer une information qui n’est pas pertinente. Par exemple, il doit nommer la couleur d’un mot le plus rapidement possible et en faisant un minimum d’erreurs (ex. rouge, bleu).
- Test des tracés (Trail Making test). Il évalue la flexibilité cognitive. Lors de la première partie, le sujet doit relier le plus rapidement possible et par ordre croissant 25 chiffres répartis au hasard sur un morceau de papier. Lors de la deuxième partie, le sujet doit relier en alternance 12 lettres et 13 chiffres le plus rapidement possible (c’est- à-dire 1- A-2-B-3-C, etc.).
- Test de fluence verbale. Il s’agit de nommer un nombre maximal d’animaux en 60 secondes.
- Wisconsin Card Sorting test. Un test de cartes qui évalue la flexibilité mentale. Il s’agit de classer des cartes en fonction des formes, de la couleur ou du nombre.
- Tâches doubles (Dual task test). Évalue la capacité d’attention avec deux tâches simultanée (rappel sériel de chiffres à l’empan et tâche de poursuite visuelle et motrice).
- Test de six éléments. Effectuer le maximum d’items de 6 sous-tâches dans un temps limité en respectant certaines règles (ne pas réaliser deux sous-taches du même type à la suite..), ce qui suppose d’adopter une stratégie.
- Test de Brixton. Test de déduction de règles. Cette tâche de détection de règles consiste à prédire la position spatiale d’un cercle qui se déplace (d’un feuillet à l’autre du carnet de passation) selon une règle à découvrir.
Références
- Allain P, Roy A, Kefi MZ, Pinon K, Etcharry-Bouyx F, Le Gall D (2004) Fonctions exécutives et traumatisme crânien sévère : une évaluation à l’aide de la « Behavioural Assessement of the Dysexecutive Syndrome ». Revue de neuropsychologie 14: 285-323
- Baddeley A, Wilson B. Frontal amnesia and the dysexecutive syndrome. Brain Cogn 1988;7:212–230.
- Godefroy O, et Groupe de réflexion sur l’évaluation des fonctions exécutives. Syndromes frontaux et dysexécutifs. Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 899-909.
- Godefroy O. Frontal syndrome and disorders of executive functions. J Neurol 2003, 250 : 1-6.
- Godefroy et Groupe de Réflexion pour l’évaluation des Fonctions Exécutives. Fonctions exécutives et pathologies neurologiques et psychiatriques: évaluation en pratique clinique. Marseille, France: Solal, 2008.
- Roussel M, Godefroy O. La batterie GREFEX : données normatives. In : Godefroy O, GREFEX, eds. Fonctions exécutives et pathologies neurologiques et psychiatriques. Marseille : Solal, 2008 : 231-52.
- Wilson BA, Aldenman N, Burgessz PW, Emslie H, Evans J. Behavioural assessment of the dysexecutive syndrome : test manual. Bury St Edmunds, UK : Thames Valley Test Cy, 1996.
- Wilson BA, Evans JJ, Emslie H, Alderman N, Burgess PW. The development of an ecologically valid test for assessing patients with a dysexecutive syndrome. Neuropsychological Rehabilitation 1998 ; 8 : 213-28.