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  1. Trouble cognitif léger

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    Le trouble cognitif léger (ou déficit cognitif léger) n’est pas un état pathologique mais plutôt un terme désignant des personnes avec une altération modérée mais significative de leurs fonctions cognitives.

    La notion de trouble cognitif léger (TCL) est la traduction anglaise de « mild cognitive impairment » ou « MCI » introduite en 1991 par des chercheurs américains (Flicker et coll. Mild cognitive impairment in the elderly: predictors of dementia. Neurology, 1991, 41:1006-1009).

    Historique

    Le concept de plaintes mnésiques apparaît dans les années soixante.

    Kral et ses collaborateurs (1962) distingue l’oubli bénin provoqué par le vieillissement cérébral de l’oubli malin provoqué par une affection cérébrale.

    La notion d’oubli bénin provoqué par le vieillissement cérébral correspond au terme anglo-saxon de age associated memory impairment (AAMI) qui définit une perte de la performance mnésique chez une personne âgée, comparée à celle d’un sujet plus jeune.

    En 1991, Flicker et ses collaborateurs introduisent le concept de trouble cognitif léger (ou défici cognitif léger) en proposant les caractéristiques suivantes:

    • Plainte de mémoire, confirmée par les proches.
    • Les activités de la vie quotidienne sont normales.
    • Le fonctionnement cognitif est globalement normal.
    • Les performances cognitives sont anormalement basses pour l’âge.
    • Le sujet ne remplit pas les critères de démence.

    En 1999, le clinicien américain Petersen définira les critères cliniques et parlera de déclin cognitif léger ou trouble cognitif léger.

    Définition du trouble cognitif léger

    Le « trouble cognitif léger »  n’est pas un état pathologique mais plutôt un terme désignant un groupe de personnes qui présentent une altération modérée mais significative de leurs fonctions cognitives.

    La majorité de ces personnes souffrent de troubles objectifs de la mémoire (c’est-à-dire validés par des tests dits neuropsychologiques).

    C’est un niveau transitoire entre le vieillissement normal et la maladie d’Alzheimer débutante, ce qui signifie pas pour autant que les personnes souffrant de trouble cognitif léger développeront une maladie d’Alzheimer. En effet, certains présentent un retour à la normale de leurs performances.

    Les critères du trouble cognitif léger

    • Le sujet se plaint de troubles mnésiques (de préférence corroborés par un proche).
    • Un examen neuropsychologique confirme que les performances mnésiques du sujet sont inférieures à celles d’un sujet « normal » du même âge.
    • Les fonctions cognitives du sujet sont préservées.
    • Le sujet est globalement autonome
    • Ce déclin doit être présent depuis au moins six mois.
    • Il exclut toute personne souffrant de dépression, d’idées délirantes, de retard mental, ou d’autres troubles psychiatriques.

    Exemples de troubles de mémoire : la personne replace plus souvent les objets au mauvais endroit, utilise des pense-bêtes, répète souvent les mêmes questions, a du mal à gérer ses rendez-vous.  

    Les activités de base de la vie quotidienne sont préservées mais environ un tiers des patients présentent de légers troubles affectant les activités instrumentales complexes de la vie quotidienne.

    Ces troubles ne sont pas significatifs, contrairement à ceux observés dans la démence. Par exemple, le patient souffrant de déclin cognitif léger (DCL en abrégé) a de la difficulté à préserver ses hobbies, gérer ses affaires personnelles nécessitant un effort intellectuel (par ex. déclaration d’impôt, comptabilité), utiliser un nouvel équipement.  Elle a du mal à trouver ses mots, à conduire en sécurité, se laisse facilement distraire ou à préparer le dîner. 

    Il aura tendance à faire répéter les mêmes questions et a du mal à se souvenir de noms de personnes que l’on vient de lui présenter (sa mémoire verbale est en effet affectée).

    La communauté médicale est divisée sur la définition de troubles significatifs des capacités fonctionnelles. Son défi sera d’évaluer avec précision ces subtils changements.

    Un diagnostic de démence sera posé si la personne voit ses activités quotidiennes altérées et si d’autres fonctions cognitives sont affectées.

    Ces critères ont été proposés par Peterson RC et coll. Curent concepts in mild cognitive impairment. Archives of Neurology, 2001, 58:1985-1992.

    Prévalence

    La prévalence se situe entre 10% et 20% chez les plus de 65 ans. Selon l’étude canadienne «Canadian Study of health and Aging», près de 17% des personnes âgées souffriraient de trouble cogniitf léger. Ce pourcentage est de 22% chez les Américains âgés de 71 ans et plus (Source: Annals of Internal Medicine 2008;148:427-434).

    Selon une autre étude portant sur 12 000  jumeaux, le trouble cognitif léger toucherait 64% des personnes âgées de plus de 65 ans.

    La prévalence est de 39% chez ceux dont le trouble est subjectif (c’est-à-dire ressenti par le plaignant ou l’entourage mais non validé par des tests), alors qu’il est de 25% lorsque la plainte cognitive est objective (c’est-à-dire confirmée par des tests).

    Selon l’étude, le trouble cognitif léger (TCL) concerne la mémoire et l’attention. 

    Une autre étude souligne que les personnes souffrant de manière subjective de TCL sont avant tout des personnes ayant un niveau d’éducation élevé, le plus souvent mariées et vivant confortablement. Elle confirme que le faible niveau d’éducation a un impact négatif sur le fonctionnement cognitif. 

    Enfin, lorsqu’une personne âgée souffre d’un TCL, son frère jumeau (ou sa sœur jumelle) a un risque accru d’être atteinte.

    Facteurs vasculaires

    Une forte proportion de ces patients présentent des facteurs de risque vasculaires, en particulier une hypertension. La technique de neuroimagerie décèle dans certains cas des infarctus silencieux, qui amplifie le accélère la mort neuronale.

    Si aucun signe avant-coureur de maladie d’Alzheimer n’apparaît chez ces patients, les cliniciens utilisent le terme de déclin cognitif vasculaire (en anglais « vascular cognitive impairment »).

    Quels sont les liens entre le trouble cognitif léger et la démence ?

    Plusieurs études indiquent que 10 à 15% des personnes atteintes de DCL « progressent » dans une année vers une démence de type Alzheimer.

    Le diagnostic est donc d’un intérêt capital.

    Il convient de noter que certaines personnes souffrant d’un DCL ne deviendront pas démentes (25% selon une étude canadienne) ou développeront un autre type de démence (par exemple une démence d’origine vasculaire ou associée à un syndrome parkinsonien), reflétant la nature hétérogène de cette catégorie de sujets.

    Les patients souffrant de ce trouble représentent donc une catégorie de patients à risque de démence.

    Une grande majorité (jusqu’à 60%) de ces patients qui ont par la suite développé une maladie d’Alzheimer était dépressive. La dépression est donc un signe prédictif chez cette catégorie de patients.

    Partant du constat qu’il existe différents devenirs pour les patients présentant ce trouble, la communauté médicale s’est intéressée à d’autres formes de trouble cognitif léger, caractérisées par une atteinte de plusieurs domaines cognitifs et une préservation de la mémoire.

    Dans un article publié en 2001, l’équipe du docteur Petersen définit les différents sous-types de trouble et leurs possibles étiologies:

    Sous-types (Trouble cognitif léger = TCL)Possible étiologies
    TCL amnésique simple domaineMaladie d’Alzheimer
    TCL multidomaineMaladie d’Alzheimer
    Démence vasculaire
    Dépression
    TCL non amnésique multidomaineDémence fronto-temporale
    Démence à corps de Lewy
    Démence vasculaire
    Aphasie proressive primaire
    Maladie de Parkinson
    Maladie d’Alzheimer
    Autre pathologie neurodégénérative

    Alors que le TCL simple domaine se définit par l’atteinte d’une seule fonction cognitive (par exemple la mémoire), le TCL multidomaine se caractérise par le déficit de plusieurs domaines cognitifs (langage, fonctions exécutives et habiletés visuo-spatiales) avec ou sans déficit mnésique.

    En 2011, un institut national américain a défini les caractéristiques cliniques qui permettent de dire que la maladie d’Alzheimer est à l’origine d ‘un déclin cognitif léger chez une personne. Les voici : 

    • Problèmes de mémoire persistants.
    • Le déclin de la cognition est progressif et non brutal (on parle de plusieurs mois à plusieurs années).
    • Absence d’hallucinations ou  de troubles moteurs (caractérisques d’une démence à corps de Lewy).
    • Absence de facteurs de risques vasculaires ou de dommages vasculaires (l’hypothèse d’un déclin cognitif vasculaire est alors évoquée).
    • Absence de troubles importants du langage et du comportements (l’hypothèse d’une démence fronto-temporale est alors évoquée).

    Comment dépister le trouble cognitif léger ?

    Les différents tests neuropsychologiques permettent d’explorer les différents domaines cognitifs, ce qui permettra de déterminer les sous-types de trouble. Les principaux domaines cognitifs explorés sont la mémoire, le langage, les fonctions exécutives, l’attention et les capacités visuospatiales.

    • Mémoire. C’est principalement la mémoire épisodique qui est évaluée. Le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) est un outil spécifique au dépistage du déclin cognitif léger.  Les autres tests les plus utilisés sont les tests de rappel libre (RL) et rappel indicé (RI) selon la procédure de Grober et Buschke et le test de reconnaissance visuelle DSM 48. Ces tests permettront de déterminer s’il y a une atteinte de l’hippocampe (test de Grober et Buschke) et du cortex périrhinal (DSM 48). Les autres tests utilisés sont le test des portes et le test de mémoire logique de la MEM III. Le cortex temporal est impliqué dans la reconnaissance des visages et des objets.
    • Langage. Le test DO80 et les tâches de fluence verbale catégorielle et sémantique permettent de mettre en évidence un atteinte des aires de Broca et de de Wernicke.
    • Fonctions exécutives, attention et mémoire de travail. Le test de Stroop, le test des tracés et l’échelle d’intelligence de Wechsler sont souvent utilisés dans l’évaluation de l’attention et des fonctions exécutives. Pour rappel, un déficit des fonctions exécutives et de la mémoire de travail reflètent une atteinte du cortex préfrontal et pariétal.
    • Capacité visuospatiale. Le test de la figure de Rey et la batterie de tests de perception développés par Warington (visual and object space perception battery) permettent de dépister des agnosies visuelles et spatiales. Pour rappel, le cortex pariétal postérieur est impliqué dans la conscience spatiale.

    Enfin, le mini-examen de l’état mental (MMSE) est d´une certaine utilité, mais manque de sensibilité. En revanche, le «Montreal Cognitive Assessment» et le «DemTect» semblent des tests prometteurs. Le «Montreal Cognitive Assessment» évalue le rappel différé, la fluence verbale, les habiletés visuospatiales, le calcul mental, l’orientation, l’attention, la concentration et les fonctions exécutives. Sa sensibilité, sa spécificité et sa valeur prédictive sont d´environ 90% (il existe 90% de risque qu´un sujet ayant obtenu un mauvais score à ce test soit atteint de DCL). Le «DemTect» est également un test précis et d´une très grande fiabilité.

    Mesure de l’autonomie

    il est nécessaire d’évaluer l’autonomie du patient grâce aux échelles d’évaluation des activités élémentaires de la vie quotidienne et des activités instrumentales de la vie quotidienne. Une personne avec un déficit cognitif léger est en théorie autonome. Elle peut cependant avoir des problèmes pour gérer ses finances ou conduire.

    Attention à certains médicaments

    Certains classes de médicaments peuvent entraîner des troubles cognitifs: il s’agit notamment des médicaments qui diminuent les niveaux d’acétylcholine dans le cerveau, les opiacés, les benzodiazépines, les hypnotiques, les antihistaminiques, les antidépresseurs tricycliques, les myorelaxants et les antiépileptiques.

    De plus, l’hypotension liée à un traitement intensif de l’hypertension et une hypoglycémie associée à un traitement intensif du diabète peut également contribuer au déclin cognitif.

    Diagnostic

    Neuroimagerie

    Il est maintenant admis que les tests neuropsychologiques et l’examen du cerveau par des techniques de neuroimagerie permettent non seulement:

    • de distinguer les personnes âgées ‘saines’ de celles ayant un trouble cognitif léger mais également,
    • d’identifier les sujets ayant une forte probabilité de développer une démence de type Alzheimer.

    Les personnes souffrant de ce trouble présentent une dilatation plus rapide des ventricules (reflétant une perte neuronale) que les personnes saines du même âge, selon une étude ayant utilisé la technique d’imagerie par résonance magnétique (IRM) volumétrique.

    Cette accélération peut être détectée deux ans avant l’apparition des premiers symptômes observés lors du DCL (Source: Neurology 2008;70:824-825,828-833).

    D’autres changements ont également été mis en observé chez des patients DCL ayant développé par la suite une maladie d’Alzheimer: baisse du volume de l’hippocampe (le région cérébrale impliquée dans la mémoire), diminution de l’activité de certaines structures cérébrales (mise en évidence par la technique de tomographie par émission de positon), et dépôts de plaques amyloïde marquées par la molécule radioactive Pittsburgh Compound-B (technique de tomographie par émission de positon).

    Certains marqueurs biologiques sont susceptibles d’identifier des personnes à risque: présence élevée des protéines amyloïde et tau dans le liquide céphalorachidien, présence de la mauvaise forme de la protéine apolipoprotéine (appelée apolipoprotéine 4), niveaux élevés d´homocystéine et de cholestérol LDL, et dysfonctionnement olfactif. Ces observations doivent être confirmées et ne sont utilisées qu’à des fins de recherche. 

    Tests de laboratoire

    La mesure des niveaux de sels minéraux, de glucose, de calcium, des vitamines B6 et B12 et de la fonction thyroïdienne permet de les formes réversibles de déclin cognitif léger liées à une infection, une insuffisance rénale, une hypo- ou une hyperthyroïdisme, ou des niveaux anormaux de vitamines ou de sels minéraux.

    Thérapie

    Les patients avec un déficit cognitif léger et traités avec un inhibiteur de l’acétylcholinestérase (donépézil, galantamine, rivastigmine), n’ont pas moins de risque de développer une démence, comparés à ceux qui ne sont pas traités.

    De plus, ces médicaments n’ont aucun effet bénéfique sur la cognition de ces patients. Ils ne sont donc pas recommandés dans le traitement du déclin cognitif léger.

    Enfin, l’extrait de ginkgo biloba et une supplémentation en testostérone ne ralentissent pas le déclin cognitif léger.

    Conseils pour traiter les patients avec un déficit cognitif léger

    Il est possible de réduire le risque de trouble cognitif léger pour réduire le risque de démence.

    • Hypertension : contrôle de la pression artérielle.
    • Diabète : contrôle de la glycémie. Evitez l’hypoglycémie sévère.
    • Prévention des AVC : Traitement aux statines si indiqué.
    • Présence d’une fibrillation auriculaire: traitement avec un anti-coagulant ou un antithrombique.
    • Éviter l’alcohol.
    • Exercer des activités physiques et mentales.
    • Arrêtez de fumer
    • Encourager les interactions sociales
    • Gérer ses affaires sur le plan personnel et patrimonial.
    • Conduire et se déplacer dans sa maison sans danger (évitez les chutes).
    • Faire un suivi de sa performance cognitive tous les six mois environ.

    Références

    Chertkow H et coll. Diagnosis and treatment of dementia: 3. Mild cognitive impairment and cognitive impairment without dementia. CMAJ. 2008 May 6;178(10):1273-85.

    Gauthier S et coll. Mild cognitive impairment. Lancet. 2006 Apr 15;367(9518):1262-70.

    Cas pratique

    Mme J., âgée de 81 ans, souffrant d’hypertension et de l’hyperlipidémie, a consulté un neurologue car elle « oublie des choses qu’elle vient d’entendre ».

    Mme J. et son mari ont commencé à noter des problèmes de mémoire bénins un an plus tôt et ont remarqué que ces problèmes progressaient lentement.

    Son mari a remarqué que sa femme avait des difficultés à résoudre certains problèmes et à gérer son temps. Mme J. était facilement distraite et avait du mal à se rappeler des conversations récentes. Elle égarait des objets et passait beaucoup de temps à les chercher. Elle lisait moins qu’avant. Elle a demandé à plusieurs reprises comment effecteur certaines opérations sur son ordinateur et son téléphone cellulaire.

    Son mari a signalé qu’elle ne prenait aucune initiative et que leur maison semblait plus désordonnée.

    Elle avait de la difficulté à planifier le dîner et les mets qu’elle concoctait étaient moins sophistiqués.

    Les deux n’ont rapporté aucun changement dans le langage ou la parole.

    Elle a continué à conduire à proximité de son domicile sans faire d’accidents, mais avait de la difficulté à se souvenir de la direction à prendre pour aller dans des endroits familiers.

    Mme J. n’avait ni hallucinations ni troubles délirants. Elle dort bien, est de bonne humeur et n’a aucun problème de comportement ou de changements de personnalité.

    Elle exerce de manière autonome toutes les activités de la vie quotidienne (AVQ). Elle a connu ces deux derniers mois quelques problèmes d’incontinence urinaire.

    Concenant les activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ), Mme J. a connu des difficultés à régler certaines factures. Malgré l’utilisation d’un pilulier compartimentée, Mme J. oublie occasionnellement de prendre ses médicaments.

    Mme J a déclaré à son médecin qu’elle déclinait les invitations de ses amies pour aller jouer au bridge car elle savait qu’elle ne pourrait se souvenir des cartes.

    Diagnostic

    Mme J. souffre d’un trouble cognitif léger, un stade clinique qui se situe entre un déclin cognitif considéré comme normal pour l’âge et un déclin cognitif plus marqué relié à une pathologie (ex. maladie d’Alzheimer).

    dans le déclin cognitif léger, l’altération des fonctions cognitives n’est pas suffisamment grave pour nécessiter une aide quotidienne qui permet d’assurer les activités élémentaires et instrumentales de la vie quotidienne.